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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/33

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le dispositif annonçant la convocation éventuelle d’une Constituante. A quoi bon une Constituante s’il existait un gouvernement légal ? Affirmer la nécessité d’une Constituante c’était proclamer que l’Empire n’existait plus. Et, ce qui est plus grave encore, c’était condamner sa doctrine fondamentale : le pouvoir constituant, selon les Napoléon et selon la Révolution, reposant dans la main du peuple et le plébiscite en étant la forme nécessaire.

Vainement les frères Chevreau se multipliaient-ils et démontraient-ils le danger d’abandonner l’Empereur devant l’émeute. « C’est pour la République que vous travaillez, disaient-ils ; si vous nous abandonnez, vous l’aurez dès ce soir. » Vains efforts ! Personne n’écoutait, et les Mathieu de la Corrèze, Bournat, Josseau, de Benoist, Quesné, Millet, Pommier, Rolle, Roy de Loulay, etc., la crème des députés officiels, signèrent le texte du Centre gauche. « Les assemblées s’évadent toujours avec bonheur d’une situation extrême par une de ces issues ouvertes à tous les partis[1]. »

Le libellé de la proposition de déchéance étant convenu, on s’occupa des noms à introduire dans cette commission qu’on allait instituer. Il ne pouvait plus être question de Palikao ; Trochu était unanimement accepté ; Schneider, sachant qu’on pensait à lui, avait déclaré qu’il refuserait. On fit sans succès de nouvelles instances auprès de Thiers. « Il n’avait, dit-il, ni le devoir ni l’intérêt, pas plus que les membres de la Gauche, d’assumer la formidable responsabilité d’événemens accablans dont il n’était pas la cause. » Le fidèle de Rouhor, Dréolle, pensa à Gambetta. Celui-ci le remercia très chaleureusement : « Mais il fallait auparavant régler la question de déchéance. » Après, il ferait ce qu’on voudrait.

On en était encore, les uns à négocier, les autres à apposer des signatures, quand Palikao arriva avec le projet du Conseil des ministres. Il en donna lecture à ses amis de la majorité. Ce fut une clameur universelle : la furia d’en finir avait saisi les plus modérés ; personne parmi les dévoués de la veille ne voulait plus entendre parler ni d’Empire, ni d’Empereur, ni de Régence. « Conseil de régence ! s’écria Fouché-Dréolle, — le mot est peut-être mal choisi et résonnera mal ! » Beaucoup lui firent écho. On conseilla à Palikao d’effacer ce mot irritant et inopportun.

  1. Lamartine.