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les Muses, de chanter l’amour et les belles, de plus hautes ambitions lui étaient nées.

Ne forçons point notre talent… Mais, notre tourneur de madrigaux avait en lui la plus imperturbable confiance.

Demeuré pratique en invoquant Euterpe, il adressait les produits de sa minerve à de somptueux mécènes et récoltait en doubles louis et pistoles le prix de ses efforts lyriques. La mort du grand Roi lui parut, entre autres, une occasion moins propice à chanter sa mémoire qu’à louanger avec profit Mgr le Régent.

Hélas ! la lyre du nouveau Pindare n’était qu’une lyre d’occasion. Il n’en sut tirer que des accens fort creux :


C’est en toi que la France espère,
Ton pouvoir devient son bonheur,
Sois pour elle aussi tendre père
Que tu fus zélé défenseur.
Tel que le souverain du monde,
Prince, ta sagesse profonde
Sera le modèle d’un roi ;
Cède à la vertu qui t’anime,
Tu nous dois un roi magnanime,
Fais qu’il soit aussi grand que toi.


Évidemment, ce n’est pas le souffle de l’Ode à Hiéron, mais le « modèle » des princes fit tenir cinq cents livres à Moncrif.

Galland et sa traduction des Mille et une Nuits venaient de mettre l’Orient à la mode ; Moncrif, toujours empressé à suivre le goût du jour, écrivit une mièvre turquerie : Les Aventures de Zélaide et d’Amanzarifdine, qui fît merveille à Sceaux, chez la « poupée du sang, » la divine Ludovise, la sémillante et frondeuse duchesse du Maine.

Il s’essayait en même temps au théâtre avec une comédie : Les Abdérites, assez plaisant badinage qui raille non sans finesse la fureur de comédie qui sévissait dans le beau monde et parodie à la fois les procédés tragiques de Crébillon, son moyen des reconnaissances, alors dans sa nouveauté.

Ces Abdérites et leurs vers libres ne virent le feu des quinquets que dix ans après leur composition, en 1732, à Fontainebleau, grâce à la duchesse douairière de Bourbon, mère du comte de Clermont.

Constatons, à ce propos, que notre auteur eut toujours un