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faible pour la scène. Dans la suite, il rima force pastorales, divertissemens, parades, opéras, ballets héroïques ou non : l’Empire de l’Amour, — Zélindor roi des Sylphes, — Almasis, — Ismène, — Erosine, — La Sibylle, qui tous reçurent, à Versailles ou sur les tréteaux des petites cours princières, l’accueil le plus flatteur et le plus chaleureux.

Mais, dans cette première moitié de sa vie, son ouvrage le moins négligeable, celui qui demeure son principal titre littéraire et fait qu’un peu de souvenir humain subsiste encore autour de son nom, est sa plaisante Histoire des Chats, sa dissertation « gravement frivole » à la gloire de la gent féline.

Ici encore, comme dans le reste de son œuvre, l’avisé Moncrif continuait d’obéir aux suggestions de la mode.

Les matous de toutes robes et de toutes races : chats mignons, chats gantés, chats viverrins, chats de Siam ou du Malabar, angoras surtout, se trouvaient fort en vogue aux temps joyeux de la Régence.

Après La Fontaine, historien de Rodilard et de Raminagrobis, Mme Deshoulières avait chanté les mérites de sa chatte Grisette ; Mme de Lesdiguières faisait élever aux mânes de sa Ménine un somptueux mausolée, et la duchesse du Maine, inconsolable du trépas de Marlamain, dont La flotte traçait l’épitaphe, évoquait joliment le disparu dans ce rondeau « marotique : »


<poem> De mon Minon veux faire le tableau, Besoin serait d’un excellent pinceau Pour crayonner si grande gentillesse, Attraits si fins, si mignarde souplesse, Mais las ! ne suis qu’un chétif poëtereau. Dirai pourtant qu’il n’est rien de si beau, Que Cupidon, tant joli jouvenceau, Pas n’a l’esprit, ni la délicatesse De mon Minon.

Que si Jupin se changeait de nouveau Plus ne serait serpent, cygne ou taureau, Mais, pour toucher quelque gente maîtresse, Se dépouillant de sa divine espèce, Revêtirait la figure et la peau De mon Minon.