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le Don de souffrance, la Consolation des âmes justes, le Retour vers Dieu, et dans quels vers, juste ciel ! ô mânes du Corneille de l’Imitation et du Racine des Cantiques !


Dans l’âge des erreurs,
Où l’exemple du vice,
Par des chemins de fleurs,
Nous mène au précipice,
Fuir tout autre délice
Que d’aimer le Seigneur,
Ce n’est point sacrifice,
C’est trouver le bonheur.


D’autres fois, — qui l’eût cru, — sa muse ? pénitente dénonce les dangers du monde :


Ah ! daignez ne pas m’éprouver,
O mon Dieu, sagesse profonde,
Quel exemple peut me sauver,
Des écueils semés dans le monde ?
Monde attirant, monde trompeur,
A votre pouvoir enchanteur
Je crains qu’enfin mon cœur ne cède.
Contre un ennemi séducteur
La fuite est l’unique remède.


Moncrif, aime-t-on à supposer, avait trop de goût pour s’illusionner sur ces rhapsodies mirlitonesques, mais elles enchantaient l’épouse délaissée de Louis XV.

Il fut plus heureux avec ses Romances, imitées des poésies courtoises de Thibault de Champagne et des jongleurs du XIIIe siècle : Le Secret pour aimer, — Alix et Alexis, — les Aventures de Tant-Belle, honnête et renommée comtesse de Saulx.

D’Alembert, dans ses Éloges historiques, constate le succès et vante leurs mérites : « Nous lui devons ces Romances si connues et si touchantes, que personne n’a pu égaler jusqu’ici et qui, pleines de sentiment et de naïveté, le sont en même temps de finesse et de goût… Si Moncrif n’est pas l’inventeur de ce genre, s’il l’a reçu de nos bons aïeux, il a du moins le mérite de l’avoir fait renaître de nos jours, avec des grâces nouvelles. Il en est parmi nous le vrai poète, et ce n’est pas un léger honneur, que de donner son nom à quelque genre de poésie que ce puisse être, ne fût-ce qu’à celui du vaudeville. Anacréon sera immortel, quoiqu’il n’ait été que le premier