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sur lesquels Rome fondait l’existence de la hiérarchie ecclésiastique. Ils en font resplendir d’autres, où le Christ se dresse comme seul auteur du Salut ; ils en concluent que la foi au Christ, indépendamment de toutes œuvres humaines et de toutes entremises humaines, procure gratuitement l’élection.

Et voici que s’éveille, chez certains membres de la population genevoise, l’espoir de voir bientôt cesser un grand malaise d’âme. Depuis 80 ans, les ducs de Savoie disposaient presque continuellement de l’évêché de Genève : une partie des chanoines de Saint-Pierre leur était dévouée ; et l’évêque, le plus souvent, était leur homme. Cet évêque, ces chanoines, avaient au sujet des destinées genevoises certaines conceptions qui n’étaient pas celles du peuple de Genève.

« Plus besoin de ces intermédiaires ! murmurent ou prêchent les nouveaux apôtres. Le bonheur de Genève, ils le comprennent autrement que vous ; le bonheur du ciel, vous pouvez l’acquérir sans eux. Lisez dans ce livre tels textes ; laissez de côté ces hommes, marchez droit vers le Christ. » Le partage de l’âme est toujours fatigant : catholique, une moitié de l’âme genevoise appartenait à l’évêque, contre qui l’autre moitié s’insurgeait ; les Réformateurs, survenant, font espérer à cette âme, — l’espoir devait être de brève durée, — qu’elle s’appartiendra désormais tout entière à elle-même, et qu’il n’y aura plus de conflits entre le civisme et la religion, entre les aspirations de membres de la cité de Genève et les scrupules de membres de la cité de Dieu. Cela tente certains Genevois, et cela met en délicate posture les théologiens qui voudront défendre la doctrine de quinze siècles. Aux yeux de cette population, pour qui la politique prime tout, ils ont l’air de vouloir perpétuer la brèche par laquelle l’influence de l’évêque, même aux heures de lutte, garde accès dans les consciences, au moins dans ce coin des consciences où s’élabore l’œuvre du salut.

Au demeurant, chez un certain nombre de ces intermédiaires que les âmes genevoises sont brusquement invitées à « conduire, la pureté des mœurs laisse beaucoup à désirer. Après avoir traité les prêtres d’inutiles, la prédication nouvelle a vite fait de les traiter d’indignes ; elle tente de les montrer moralement déchus, et sanctionne ainsi la déchéance religieuse qu’elle leur inflige.

Le vieux passé, cependant, a poussé dans l’àme genevoise