de profondes racines. Théoriquement, on peut s’éprendre du message qu’apportent les nouveaux prédicans, et puis, pratiquement, tenir encore à la messe. A la traverse des nouveaux courans surgit la voix des morts, qui furent des catholiques, et, surgissent les pieuses coutumes des siècles. Si l’évêque Pierre de la Baume était à son poste, peut-être recevrait-il, en quelque bagarre, quelque mauvais coup ; mais du moins pourrait-il défendre devant ses ouailles les fondemens de son magistère. Il n’est pas là, il s’isole, il chasse ; et quand les Fribourgeois le supplient de rentrer dans sa ville épiscopale, il réapparaît, constate que le sol tremble, et bien vite s’en va. C’était le 14 juillet 1533.
Le champ désormais se trouve libre pour Messieurs de Berne. Sans scrupules, sans délicatesse, ils font peser sur Genève les impérieuses sommations de leur credo. Ils commencent d’un ton modeste : Nous voulons qu’à Genève on puisse librement prêcher la Réforme, disent-ils, dès le mois de mai 1533 ; les autorités genevoises permettent. Un dominicain, puis un cordelier, interviennent pour soutenir la foi catholique : les Bernois se plaignent. Ils veulent que le prédicateur protestant ait le droit d’attaquer, et protestent quand le prédicateur catholique prend le droit de se défendre. Vous nous devez 900 000 écus, disent-ils aux Genevois le 5 et le 25 janvier 1534, quand les aurons-nous ? Les Genevois demandent un délai. Le dialogue ne s’achève pas sans que les Bernois réclament des poursuites contre le dominicain, qui passe de longs mois en prison. En février, même revendication pécuniaire, et réclamation semblable au sujet du cordelier. Le 1er mars, Farel et quelques réformés entrent dans l’église de Rive pendant que ce cordelier prêche : on dépouille l’autel, on casse une croix, Farel monte en chaire. C’est à l’instigation de Dieu que tout a été fait, disent aux magistrats de Genève, le lendemain, les députés bernois ; ils affectent de remercier les magistrats, disant que Berne sera contente. Le Conseil ratifie les faits acquis ; la Réforme, dorénavant, possède officiellement une chaire à Genève. Mais ce n’est pas une chaire que les Bernois voulaient ; ils les voulaient toutes.
Les autorités genevoises n’avaient pas encore d’opinion bien personnelle sur le conflit religieux qui agitait leur ville. Hésitantes, timides, leur seule politique avait longtemps consisté à