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On est allé les chercher ; je vous prie de garder un silence solennel jusqu’à ce qu’ils rentrent. Ce ne sera pas long. (Oui/ oui ! Applaudissemens prolongés. — Pause de quelques instans.) Citoyens, vous avez compris que l’ordre était la plus grande des forces. Je vous prie de continuer à rester silencieux. Il y va de la bonne réputation de la cité de Paris. On délibère et on va vous rapporter le résultat de la délibération. Il va sans dire que nous ne sortirons pas d’ici sans avoir obtenu un résultat affirmatif. » (Bravos et applaudissemens.)

Une foule, qui s’était arrêtée un instant à la buvette, et s’était employée à la vider, se rue à ce moment vers les tribunes. Les escaliers tremblent sous ses pas. Les premiers arrivés, pour n’être pas étouffés par les survenans, se glissent le long des colonnes ou s’élancent dans le pourtour, le remplissent, montent sur les banquettes et les pupitres. En même temps, la porte de l’amphithéâtre faisant face au bureau est enfoncée. Quelques députés essaient en vain de refouler les assaillans ; la salle est envahie avec un tumulte indescriptible. Les membres de la Commission de déchéance ne parviennent même pas à gagner leurs bancs ; toute délibération devient impossible. Pire s’élance à la tribune ; on l’en arrache ; mais il n’en descend qu’après s’être écrié : « J’avais un devoir a remplir ; je voulais protester contre ce qui se passe ! » Par les couloirs de droite et de gauche, par les portes du pourtour sont entrés des gardes nationaux en uniforme ou sans uniforme, l’arme au bras. Une tourbe bruyante occupe tous les bancs, remplit les travées, entoure la table des secrétaires rédacteurs ainsi que les pupitres des sténographes, en criant : « La déchéance ! la déchéance ! Vive la République ! » Schneider descend de nouveau l’escalier de gauche du bureau, et sort de la salle.

La tribune est escaladée ; deux jeunes gens se disputent le fauteuil du président, sur lequel l’un monte debout, tandis que l’autre, ayant mis la main sur le levier de la sonnette, l’agite convulsivement. Gambetta finit par obtenir qu’on lui fasse place, et il crie : « Citoyens ! (Chut ! chut ! écoutez ! ) Attendu que la patrie est en danger ; attendu que tout le temps nécessaire a été donné à la représentation nationale pour prononcer la déchéance ; attendu que nous sommes et que nous constituons le pouvoir régulier issu du suffrage universel libre, nous