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quelques mots vagues, salue, tourne bride et revient au pas ; vers le Louvre, pendant que Jules Favre et son bruyant cortège reprennent leur marche.

Que serait-il advenu, si Trochu avait atteint le Corps législatif ? La foule n’y était plus et le Corps législatif avait abandonné l’Empire, l’Empereur et la Régente, ne regrettant l’envahissement que parce qu’il ne lui permettait pas de prononcer lui-même la déchéance et de donner une apparence d’origine légale au gouvernement nouveau. « Des violences étaient non seulement coupables, mais parfaitement inutiles, a dit Daru, car à l’heure où elles étaient commises, le rapport de M. Martel était prêt et allait être lu à la Chambre. Ce rapport concluait a la reconstitution du pouvoir exécutif ; toutes les mesures commandées par les circonstances, en moins de douze heures, avaient été prises, elles allaient être sanctionnées par le vote des mandataires du pays ; un gouvernement allait s’installer le soir même, sans secousse, sans violences, au Palais-Bourbon[1]. » Si donc l’intervention de Trochu avait rendu à la Chambre sa liberté de délibération, elle aurait aussitôt voté le rapport de Martel et institué un gouvernement nouveau, la déchéance de l’Empire ayant été prononcée par les députés contre la légalité constitutionnelle.

Trochu revint au Louvre. Il y rentra aussi péniblement qu’il en était sorti, après des efforts d’une heure, son cheval ayant perdu presque tout son harnachement. Aussitôt descendu de cheval, il demanda à Schmitz : « Qu’est devenue l’Impératrice ? » Schmitz lui raconte que les grilles du Carrousel sont fermées, et que les voltigeurs de la Garde sont rangés en bon ordre dans la cour, mais qu’autour des grilles une foule houleuse se pressait, plus que menaçante. Schmitz parlementant pour pénétrer, l’amiral Jurien était survenu et lui avait dit : « Ce n’est pas la peine d’entrer ; elle est partie, elle est sauvée ! »


XXI

Il avait été fort à craindre qu’en se rendant à l’Hôtel de Ville les émeutiers ne fissent une halte aux Tuileries. Ils les regardèrent en effet de travers en passant, eurent une velléité

  1. Hamel, Histoire populaire de l’Empire, t. II, p. 551.