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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/479

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touchante, que sa vie publique a été d’une parfaite tenue, que ses intentions étaient droites et qu’il n’y avait en lui rien qui ne méritât l’estime. Et c’est pour cela que, malgré les jugemens divers qu’on peut porter sur son rôle politique, qui était d’ailleurs à peine commencé, c’est avec un respect sincère que tout le monde s’est incliné devant sa tombe.


S’il est vrai que l’archiduc a été pour beaucoup dans la constitution de l’Albanie, ce n’est pas là son œuvre la mieux réussie. Il est plus difficile que jamais de savoir ce qui se passe dans ce malheureux coin du monde, mais ce qui s’y passe n’est certainement pas rassurant. Les nouvelles sont confuses et contradictoires ; celles du jour sont démenties le lendemain ; sur un point seulement elles sont toujours d’accord, c’est que la situation du prince Guillaume de Wied, loin de s’améliorer, s’aggrave progressivement et qu’il est de plus en plus difficile de ne pas la croire désespérée. Veut-on d’ailleurs un exemple du peu de foi que méritent les nouvelles ? Il y a quinze jours, d’après celles que donnaient tous les journaux et qu’ils tenaient des agences, nous disions que le dernier défenseur du prince, Prenk Bib Doda, lui-même prince des Mirdites, avait été fait prisonnier par les insurgés, puis relâché sur parole, à la condition de ne plus prendre part aux opérations militaires : il l’avait juré, on donnait même des détails sur la nature du serment qu’il avait prêté. Or rien de tout cela n’était vrai : Bib Doda n’avait pas été fait prisonnier et, par conséquent, n’avait pas été relâché sur parole. Mais les affaires du prince n’en valent pas beaucoup mieux pour cela, car, s’il n’a pas été pris, Bib Doda a été battu et ses troupes se sont débandées. La révolte s’est propagée dans le Sud, où, à la vérité, elle ne semble pas faire des progrès extrêmement rapides. Il y a comme un temps d’arrêt dans les opérations. On pourrait croire que quelque chose se prépare, s’élabore, couve en quelque sorte. Mais quoi ?

De quelque côté de l’horizon qu’on se tourne, on ne voit rien venir au secours du prince. Il avait d’abord été question de troupes de volontaires qui seraient rêvées en Autriche, mais il y aurait eu là une intervention à peine déguisée ; des observations se sont vraisemblablement produites et rien ne s’est fait. Le bruit a couru alors qu’on demandait, ou qu’on demanderait à la Roumanie d’envoyer des troupes en Albanie. Après les derniers événemens, la situation morale de la Roumanie est devenue très forte dans les Balkans ; mais, on le sait, elle l’a conquise sans coup férir, par de simples