Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de savans anglais ou étrangers, qui s’est proposé de célébrer le sept-centième anniversaire de la naissance de Bacon, non pas de François Bacon le chancelier de la reine Elisabeth, mais de Roger Bacon, le moine franciscain. À cette fin une statue a été commandée à un sculpteur anglais, et cette statue devait être dévoilée le 10 juin à Oxford. Roger Bacon, qui était Anglais de naissance, ayant cependant achevé ses études à l’Université de Paris où il prit le bonnet de docteur, une invitation spéciale avait été adressée tant à l’Université de Paris elle-même qu’à chacune des classes de l’Institut. L’Académie Française et l’Académie des Sciences morales étaient assez en peine de trouver quelqu’un qui fût disposé à les représenter. Je me suis souvenu alors de ces jolis vers de mon contemporain et ami Guillaume de Chabrol :


L’horloge de mes jours a sonné la vieillesse,
Et suivant le chemin qui conduit au tombeau,
Comme un soldat blessé qui retourne au hameau,
Je viens revoir les lieux qu’enchanta ma jeunesse…


et, puisque l’horloge de mes jours semble vouloir me laisser encore quelques heures, je me suis laissé aller à la tentation de revoir les lieux où se sont écoulés quelques mois de ma jeunesse et dont j’ai été enchanté. Je me suis donc proposé, après avoir cependant pris la précaution de m’assurer que, si j’avais quelques paroles à prononcer, je n’aurais pas à parler de Bacon lui-même, car je dois avouer franchement que ni l’Opus majus, ni l’Opus tertium, ni même l’Opus minus ne sont mes livres de chevet. J’ai été accepté et voilà pourquoi, le 8 juin dernier, je suis parti pour Londres et, deux jours après, pour Oxford.


A OXFORD

Départ de la gare de Paddington à 9 h. 50 A. M. Sur le quai de la gare, j’avise trois messieurs en chapeau haut de forme, l’air très sérieux. Je suppose qu’ils doivent se rendre comme moi à Oxford, mais je ne crois pas devoir me présenter moi-même, et je demeure seul dans mon compartiment. Nous roulons d’une allure égale et rapide, sans secousse d’aucune sorte, grâce à une voie admirable, dont les larges traverses rapprochées forment comme un parquet, à travers cette campagne anglaise toujours jolie et