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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/537

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à ma mémoire : l’hôtel où j’étais descendu ; la petite maison du private tutor chez qui j’ai demeuré ; le grand collège où j’ai passé quelques jours chez le doyen.

L’hôtel s’appelait : Angel Hotel. C’était un vieil hôtel, ayant plutôt le caractère d’une pension de famille. Je me souviens que, le soir du jour où mon père, qui m’avait amené, était reparti, la maîtresse de l’hôtel s’approcha de moi maternellement pour consoler ma solitude. Le propriétaire du Clarendon Hotel, où je suis descendu et où il y a une vaste salle à manger avec un orchestre qui joue des valses, n’en ferait certainement pas autant pour un jeune étudiant. J’avais cherché l’Angel Hotel dans mon guide d’Oxford, je ne l’avais point trouvé. À Oxford même, je m’étais enquis. On me répondit qu’il était détruit depuis longtemps. Cependant un vieil Oxonianv à côté duquel le hasard me fait dîner à l’hôtel, me dit que la salle à manger de l’hôtel existe encore, mais qu’elle a été transformée en une grande épicerie, dont le propriétaire a la spécialité de certaine marmelade fort recherchée. C’est par une visite à cette épicerie que, le lendemain de la cérémonie, de bon matin, je commence mon pèlerinage. On m’avait exactement renseigné. L’épicerie est bien installée dans les dépendances de l’hôtel ; le patron me fait admirer, non sans quelque orgueil quatre colonnes de simili-marbre jaune qui décoraient l’ancienne salle à manger de l’hôtel, qu’il a conservées ; fort obligeamment même, il dérange un certain nombre de pots de marmelade pour me faire voir le vieux papier gaufré qui n’a pas été enlevé. Je m’en vais très satisfait d’avoir ainsi retrouvé quelques vestiges de mon ancien hôtel et enviant un pays où même les épiciers ont le respect du passé.

Une chose me tenait beaucoup plus à cœur : c’était de retrouver la maison où j’avais passé quelques mois chez un tuteur. Cette maison s’appelait : Grand Pont House. J’étais bien sûr de retrouver l’emplacement car elle était située au-delà d’un pont jeté sur un des bras de la Tamise dont Oxford est enserré et qui s’appelle : Folley Bridge. Mais je tremblais qu’elle aussi n’eût été démolie, ce qui, pour moi, eût marqué davantage encore que la démolition de l’Angel Hotel la fuite du temps. C’est ma première impression lorsque, ayant franchi Folley Bridge, j’aperçois d’assez vilaines constructions, moitié en planches, moitié en plâtre, sur le bord même de la rivière.