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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/538

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C’est un hangar à bateau. Or, si mes souvenirs sont exacts, la petite rivière baignait la maison elle-même à laquelle on accédait par un petit pont extérieur. De là son nom. Donc la maison n’existerait plus. Je ne me décourage cependant pas ; je continue et, quelques pas plus loin, je me trouve en face d’une petite porte sur laquelle est écrit : Grand Pont House. M’y voilà. Mais un mur en pierres sèches assez élevé me cache presque complètement la maison et complètement le jardin. La curiosité l’emporte sur la discrétion. Je fais retentir le marteau de la porte. Une servante arrive. Je lui remets ma carte et, quelques instans après, la maîtresse du logis, un peu étonnée, vient au-devant de moi. Je lui explique qu’autrefois, étant étudiant, j’ai demeuré dans cette maison et je lui demande la permission de faire au moins un tour dans le jardin. Avec infiniment de bonne grâce, elle y consent et me propose de me faire visiter la maison elle-même. Rien n’est changé dans la disposition des pièces à l’intérieur et, très facilement, je retrouve mon ancienne chambre et la salle à manger, les deux seules pièces dont je me souvienne. Que s’est-il passé ? Mes souvenirs étaient-ils inexacts, ou bien a-t-on gagné sur la rivière le terrain où s’élève la hideuse baraque qui tout à l’heure me cachait la vue de la maison ? Je ne saurais le dire et le propriétaire ou plutôt la femme du propriétaire actuel est trop jeune pour me renseigner sur ce qui s’est passé, il y a un demi-siècle. Quoi qu’il en soit, je m’en vais très satisfait d’avoir ainsi rafraîchi mes souvenirs et constaté que je n’ai pas survécu à mon ancienne maison. J’aurais pu, à la vérité, me redire le vers si mélancolique de Victor Hugo :


Ma maison me regarde et ne me connaît plus.


Mais comme, après tout, je n’y ai passé que trois mois, j’aurais mauvaise grâce à me plaindre qu’elle m’ait oublié.

Restait la partie de mon pèlerinage la plus facile à accomplir : une visite à Christ Church. Le collège de Christ Church n’est point difficile à trouver. Il est situé en plein milieu de la plus grande rue d’Oxford après High Street. Encore me fallait-il non pas précisément un guide mais quelqu’un qui pût me faciliter certaines entrées. Les circonstances m’ont servi. Un jeune Français, qui porte un des noms les plus honorables de la banque protestante et dont l’arrière-grand-père