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résumant, quelque chose de fondé, mais qui apparaîtra mieux, me semble-t-il, quand nous aurons commenté, — aussi brièvement que possible, — les manœuvres qui viennent de se dérouler dans le bassin occidental de la Méditerranée, du 13 au 29 mai.


Le premier des trois thèmes de manœuvres proposés aux deux partis constitués dans notre armée navale[1] s’inspirait visiblement, mais avec des modalités particulières que je noterai tout à l’heure, de l’idée générale qu’en cas de guerre de la « Duplice » (laissons de côté l’Angleterre) contre la « Triplice, » une force navale allemande importante, au moins égale à notre flotte de la Méditerranée, pourrait venir opérer dans cette mer, dès le début des hostilités, et s’opposer au transport en France de nos troupes d’Algérie.

Cette conception, remarquons-le, tient judicieusement compte du fait que l’Allemagne serait obligée de laisser dans la Baltique une bonne part de sa flotte pour balancer la force navale russe, devenue fort sérieuse et menaçante[2] ; mais elle suppose que l’Italie « ne marche pas, » ou que du moins elle hésite, elle n’est pas prête… ou encore que le grand conflit a éclaté dans le moment précis que, les intérêts de cette Puissance se trouvant en opposition aiguë avec ceux de l’Autriche, — complications albanaises, par exemple, — son escadre se trouvait concentrée à Tarente, peut-être même à Ancône.

Quoi qu’il en soit et l’hypothèse fondamentale étant admise, il était dans la logique expresse de la situation stratégique que la pseudo-flotte allemande (représentée par le parti B) fût surveillée par les éclaireurs du parti A dès son passage à Gibraltar,

  1. Pour mémoire, voici la composition des deux partis en question :
    Parti A : 7 cuirassés (les plus récens) ; 3 croiseurs cuirassés ; 1 éclaireur-répétieur ; 3 escadrilles de 6 contre-torpilleurs ou « torpilleurs d’escadre, » 1 transport rapide pour avions avec 2 avions.
    Partie B : 9 cuirassés (dont 4 très anciens) ; 3 croiseurs cuirassés ; 3 escadrilles de 6 torpilleurs d’escadre.
    Les sous-marins de Toulon et de Bizerte seront utilisés par le parti A dans les limites d’un rayon d’action fixé. — L’arbitre, commandant en chef de l’armée navale, monte le cuirassé neuf Courbet.
  2. La flotte active actuelle de la Baltique comprend 4 cuirassés d’escadre, 6 croiseurs cuirassés, 3 croiseurs protégés, 60 contre-torpilleurs et torpilleurs de haute mer, 8 sous-marins, fi mouilleurs de mines et 7 bâtimens auxiliaires. L’an prochain, 4 cuirassés de 23 000 tonneaux, type Gangout, entreront en ligne ; l’année suivante, 4 cuirassés de combat « Dreadnoughts » de 32 000 tonneaux, type Borodino, 6 éclaireurs de 6 800 tonneaux, etc.