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d’autres et l’un des meilleurs m’est justement fourni par un communiqué officiel qui donne, au moment où j’écris ceci, le programme des manœuvres particulières de la maigre force navale que nous entretenons dans le Nord[1].

«… Les manœuvres des jours suivans comporteront l’exécution de deux thèmes de guerre qui sont d’ordre confidentiel : le 2 juillet au soir, l’escadre sera à Calais ; du 4 au 6 à Cherbourg, où elle se ravitaillera. Le 10, forcement de nuit du goulet de Brest et rentrée dans ce port. »

Ou je me trompe fort, et je n’ai d’ailleurs aucun renseignement personnel là-dessus, ou, le 3, il y aura une opération qui s’inspirera plus ou moins de l’éventualité du passage du détroit par la flotte allemande, en présence des élémens de défense que nous y aurons pu rassembler. L’ennemi sera figuré probablement par un u parti, » rouge ou bleu, peu importe, qui comptera au maximum, quatre ou cinq croiseurs cuirassés, deux escadrilles de torpilleurs et, peut-être, quelques petits, tout petits croiseurs. Quelle autre vraisemblance et quel autre intérêt aurait une manœuvre de cet ordre, si le rôle que jouera la force navale allemande était dévolu à notre armée du Midi, dont la composition se rapproche, — « croiseurs de bataille » à part, bien entendu[2], — de celle de la partie de la flotte impériale qui pourrait être employée aux opérations offensives contre la France ! J’ai déjà dit en effet que l’Allemagne se trouvait dès maintenant obligée de compter avec la marine russe de la Baltique et que, dans peu d’années, la balance dans cette mer lui serait difficile à garder.

En tout cas, supposez l’armée navale partant, au moment initial de la manœuvre, 6 heures du soir, par exemple, d’un point situé par 1° Est et 53° Nord, à l’Ouest du Helder et à 140 milles de Gris-Nez, avec la mission de forcer le Pas de Calais, pendant la nuit, à la vitesse de 17 à 18 nœuds, en présence de la force navale tout entière qui figure actuellement

  1. La division de croiseurs cuirassés actuelle sera toutefois renforcée des unités de la même catégorie qui sont en réserve à Brest et à Cherbourg, ainsi que de deux divisions de torpilleurs d’escadre, de quelques mouilleurs et dragueurs de mines et de deux escadrilles de sous-marins. Malheureusement, en ce qui touche le gros, 2 des 5 croiseurs cuirassés mobilisés sont sans valeur, au point de vue de l’armement, et peu sûrs comme appareils moteurs.
  2. Dans deux ans, au plus, les croiseurs cuirassés « Dreadnought » allemands auront affaire avec 4 croiseurs russes du même type général, mais beaucoup plus forts (Borodino, Navarin, etc.).