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dans les manœuvres du Nord et qui, dans cette circonstance, s’appuiera sur Calais et Dunkerque ; supposez encore qu’il soit convenu que chaque torpilleur ou sous-marin de cette force navale pourra lancer réellement au moins une torpille à cône d’exercice ; que, de plus, il y aura des mines non chargées, mais munies d’amorces explosant au contact des carènes, des mines que le défenseur devra mouiller quelques heures seulement avant le passage de l’adversaire, sur une aire restreinte, relativement, et dans le voisinage de la côte française, afin de gêner le moins possible la navigation ; des mines enfin que le parti ennemi, — l’armée navale, figurant une flotte allemande, — s’efforcera de faire sauter ou de draguer avec ses petits bâtimens spéciaux… Voilà, je crois, les élémens d’un thème d’opération vraiment instructif, soulevant, — résolvant aussi peut-être, — de nombreuses et intéressantes questions et qui passionnera certainement états-majors et équipages, pourvu toutefois que l’on résiste à la tentation de régler minutieusement à l’avance les détails d’exécution, ce qui, en supprimant l’imprévu, annihile l’initiative des chefs en sous-ordre et supprime la mise en jeu de la faculté du jugement militaire.

Tout cela coûtera cher, dira-t-on. Il y aura des torpilles, des mines perdues, peut-être des collisions dangereuses, certainement des difficultés avec les navires étrangers qui passeront le détroit cette nuit-là.

Il est vrai. Mais outre que « qui ne risque rien n’a rien, » les risques en question peuvent aisément être réduits à fort peu de chose par des mesures appropriées. Et quant à la dépense, pourquoi dépasserait-elle sensiblement, sauf en ce qui concerne la perte éventuelle de quelques engins, celle des manœuvres que l’on exécute dans le Midi ?

Un autre thème mettant en jeu de la manière la plus intéressante tout ce dont nous pouvons disposer de bâtimens, grands et petits, en même temps qu’il ouvre un vaste champ de spéculations nouvelles, peut être défini de la manière suivante :

Au début des opérations, la flotte de l’adversaire, — qui a eu le loisir de se déplacer pendant la période de tension politique, — occupe le fjord de Stavum (au Nord de la province de Bergen en Norvège), mouillage où elle vient de charbonner[1]. Cette

  1. L’hypothèse n’a rien d’invraisemblable ; bien au contraire, et nous devons, ainsi d’ailleurs que l’Angleterre, — l’envisager nettement en étudiant avec soin toutes les conséquences qu’elle peut entraîner. On sait que depuis quelques années les escadres allemandes fréquentent assidûment les fjords norvégiens. L’opinion s’en est vivement émue, dans le pays, et cette indiscrétion tenace du formidable voisin n’est pas étrangère à l’augmentation de la flotte et des défenses de côte. Malheureusement les conditions géographiques de beaucoup de fjords de Norvège s’opposent à une défense efficace de ces longs bras de mer, ou plutôt à l’interdiction des mouillages que l’on peut trouver à leur issue du côté du large.