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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/595

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Mais, 18 octobre

De Landeck, où nous couchâmes hier, notre route a côtoyé le torrent de l’Inn jusqu’à Finstermunz ; puis, changeant de vallée, nous montâmes à pied derrière nos voitures, et, par Reschen, gagnâmes le triste village de Mals. Nous voici parvenus au point le plus haut de notre parcours, et il ne s’agit plus que de redescendre de l’autre côté ; mais de longs défilés nous séparent encore des plaines italiennes et du beau soleil que nous allons y chercher.

Le voyage aurait ses heures de fatigue et d’ennui, sans la bonne humeur constante de la Reine et le don qu’elle a de tout embellir. Hier, à Rheineck, en apercevant une cigogne attardée, elle s’amusait à dire que celle-là nous avait attendus et que sa rencontre était d’un bon augure pour nous. Elle nous parlait aujourd’hui des guerres du Tyrol, et donnait là-dessus la réplique au Prince, qui se piquait au jeu et voulait savoir cette histoire dans les moindres détails. Ce soir, devant un mauvais dîner de pommes de terre, elle se déclarait satisfaite et complimentait l’hôtelier. « Rien n’est bon ici-bas que l’affection, ajoutait-elle. Rien n’est précieux, rien n’est rare, si ce n’est la fidélité des cœurs. » Défense m’est faite de jamais lui donner de « Majesté. » Les étrangers l’appelleront comme ils voudront ; mais, chez elle, elle ne veut être pour nous tous que : Madame.

Tout serait bien, si le zèle des siens pour son service ne retombait pas un peu sur moi. L’activité de Mme Cailleau est désolante. Comme elle veut être quitte envers moi au moment d’entrer chez la Reine, elle vient me secouer une heure d’avance. Voilà mon ennui du matin ; celui du soir est de voir tout le temps que l’on perd entre l’arrivée au gîte et le dîner. Nous aurions eu plaisir aujourd’hui, la princesse Caroline et moi, à visiter une tour antique que nous apercevions des fenêtres de l’auberge, ou même à parcourir les rues étroites et tortueuses de la ville. Mais on ne nous l’offrait pas, et nous n’avons pas osé le demander.


Trente, 20 octobre.

Hier à Botzen, j’aurais voulu tracer le joli tableau de notre descente sur Méran : ce torrent qui avait jusque-là longé notre route se précipitant du haut de la montagne, pour aller joindre