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ensuite du duc de Bassano. Elle est marraine de Claire de Bassano. Le duc a joué un grand rôle pendant tout l’Empire, mais surtout pendant les deux années où il a été chargé du portefeuille des Affaires étrangères, c’est-à-dire de 1811 à 1813. Il signa d’abord des traités d’alliance avec la Prusse et l’Autriche et chercha à ruiner d’avance la coalition qui tendait à se former autour de l’empereur Alexandre ; mais déjà la Suède faisait cause commune avec la Russie. Après la funeste campagne de 1812, il vit les débris de la Grande Armée dépasser la Lithuanie, où il avait tout fait pour lui ménager des quartiers d’hiver et lui permettre de reprendre pied. L’ère des revers était ouverte. Bien qu’ils fussent tout militaires, on le rendit responsable de la rupture de l’Autriche après les armistices de 1813. L’Empereur dut sacrifier un ministre irréprochable, qui lui resta étroitement attaché jusqu’au départ pour l’île d’Elbe et qui le servit encore pendant les Cent-Jours.

Le gîte est mauvais à Bassano ; mais plus loin le voyage se poursuit agréablement par une chaleur printanière, le long de chemins parfaitement entretenus. Nous rencontrons des troupes autrichiennes marchant sur Milan. Leur masse imposante me fait souhaiter pour les pauvres Italiens qu’ils n’aient aucune idée de résistance.

A Trévise, je vois des femmes enveloppées de voiles ou coiffées simplement avec des fleurs ; d’autres suivent les modes de France, ou portent des mantilles de dentelles noires. Quant aux hommes, ils sont là, comme dans les autres villes d’Italie, occupés à nous regarder d’une façon qui déconcerte, et rappelle le magnétisme du crapaud sur le rossignol. La pauvre princesse Caroline en était d’autant plus effrayée qu’elle était effondrée d’un violent mal de dents.

L’auberge de la Poste, à Mestre, est la plus sale que j’aie jamais vue, quoique l’empereur d’Autriche, l’empereur Alexandre et tous les archiducs possibles y aient logé. Là on décharge toutes les voitures qui vont nous attendre jusqu’à notre retour. Celle de la princesse Caroline seule sera vendue.


Venise, 23 octobre.

A trois heures et demie, nous nous sommes rendus sur le port de Mestre, où deux gondoles nous attendaient : l’une pour les effets et les domestiques, l’autre, à rideaux rouges, pour