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Normanby renferme encore une salle de spectacle ; elle s’amuse à y donner des représentations, auxquelles elle aurait bien voulu que la Reine assistât. La Reine a promis pour le printemps et est allée chez la reine Julie, d’où la voiture m’a ramenée à la maison.

Un jeune Belge s’y trouvait, M. Verhulst, âgé de 25 ans peut-être, gauche de tournure, pâle, avec des yeux gris assez expressifs. Il se présentait sous la recommandation de la comtesse X…, dernière descendante des Médicis. « C’est un bavard, a dit le prince Louis, que fait-il ici, quand on se bat pour la liberté dans son pays ? » L’excuse du bavard est qu’il est malade ; je l’ai pris à part ; il m’a dit gracieusement que, depuis qu’il était en Italie, c’était la première fois qu’il parlait politique avec une jolie femme.

Les idées françaises sont battues en Espagne, où les constitutionnels échouent dans leurs tentatives, et où Mina et Valdès n’ont plus de partisans. Les Français se trompent, poursuit M. Verhulst, quand ils croient la Belgique pressée de leur appartenir. Elle veut d’abord être séparée de la Hollande, et vivre, si elle peut, dans l’indépendance. Ensuite si les circonstances l’obligeaient à se mettre sous la protection d’une nation voisine, elle préférerait les Français à tout autre peuple, parce qu’elle espérerait trouver chez eux un écoulement pour les produits de ses manufactures. Pour la même raison, un fils de Louis-Philippe pourrait être appelé au trône de Belgique, plutôt qu’Auguste de Leuchtenberg, ou qu’un autre prince allemand.


VALERIE MASUYER.