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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/649

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prennent une importance extrême. De simples auxiliaires, souvent à pied, servans ou valets, s’introduisent dans la mêlée, secondent le cavalier dont ils suivent la fortune, l’assistent pour maîtriser un prisonnier, accabler un adversaire, apporter montures fraîches ou armes neuves. Pour définir une bataille du Moyen âge, je hasarde cette formule : des combattans, plus qu’un combat.

A Bouvines, les récits de la journée suivent des hommes, des héros des deux camps, chargeant, taillant, trouant, eux et le groupe qui les suit, les lignes adverses défoncées, traversées et recoupées. Les épisodes abondent. Ils sont glorieux et personnels. Dans ce chaos, néanmoins, quelques clartés apparaissent, et certaines directions générales peuvent être malgré tout reconnues.

Contre les Flamands, vers le Sud-Est du plateau, des attaques répétées de cavalerie se succèdent. Ferrand de Portugal se défend longuement. Mais son corps d’armée se disloque. Arraché de son cheval et blessé, il se rend prisonnier. L’action, de ce côté, conduite par l’élu de Senlis, est simple et continue. Le vicomte de Melun et le comte de Saint-Pol y figurent. C’est là que Mathieu, sire de Montmorency, enlève les douze étendards ennemis, qui lui donneront droit, comme le veut la légende, aux douze alérions nouveaux dont il meublera les cantons de son écu.

Entre les souverains, au centre, des péripéties se succèdent. L’infanterie des communes a pris place, avec inexpérience et courage, à son rang réglementaire, en première ligne du corps où commande le Roi. Mais elle ne peut tenir devant l’infanterie de métier, la brabançonne et l’allemande. Cependant la chevalerie du corps royal, attaquant par ailleurs, cherche à percer vers Othon. La masse des fantassins impériaux, de son côté, pousse de plus en plus vers Philippe-Auguste, qu’elle atteint. Le roi de France entouré, pressé, désarçonné, connaît l’injure de l’arme ignoble, du crochet de pique ou de fauchart qui harponne et cloue à terre. La chevalerie déjà engagée revient sur la ligne où il se débat furieusement, se lance à la rescousse et le désempêtre. Pierre Tristan, féal sans reproche, lui passe sa monture. Le Roi se remet en selle, reprend aisance, et rétablit le combat. Maintenant, la chance tourne. C’est l’Empereur, serré de près, que menacent Les Français. Le cheval d’Othon, l’œil crevé d’un