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demeurant, il est peut-être assez facile d’obtenir des Anglais, sans faillir à nos engagemens, une solution cordiale, qui, tout en donnant satisfaction à leur désir d’indépendance administrative, ne compromette pas notre action dans des voies où elle ne peut les gêner. La Grande-Bretagne n’a, somme toute, aucune raison majeure de poursuivre une politique d’élimination de notre langue. Elle a bien su s’en accommoder au Canada où sa domination n’en a pas souffert. Pourquoi pas en Egypte ? Les Anglais y ont ce à quoi ils tenaient surtout : ils sont les seuls maîtres et ils ont la clef de la route des Indes. Dans la haute administration dont ils disposent, ils ont les débouchés nécessaires et dorés pour leurs cadets déshérités. Ils ont la réalité du pouvoir. Leur esprit libéral doit consentir amicalement à laisser à notre France cette gloire intellectuelle et morale que nous recherchons dans le monde, qui ne peut leur porter ombrage et qui est toute notre grandeur.

Quoi qu’il en soit, nous touchons probablement au moment où les véritables dispositions de l’Angleterre à notre égard vont se révéler. Les mesures que j’ai rapportées et dont nous avons quelque peu souffert semblent, jusqu’ici, être moins l’effet d’un plan arrêté, que l’œuvre d’un chef de service personnellement mal disposé à notre égard, qui a prolongé outre mesure une attitude de rivalité qui n’aurait pas dû survivre à la convention de 1904. Il est permis, d’espérer que lord Kitchener saura faire comprendre qu’à côté de la domination anglaise, il y a place pour l’œuvre et le rayonnement intellectuels de notre patrie.

L’Angleterre n’est d’ailleurs pas la seule qui cherche à répandre sa langue en Egypte : il y a aussi l’Italie. Les écoles italiennes sont, après les nôtres et celles des missions américaines, les plus importantes. Elles ne comptent pas moins de 7 000 élèves. On veut que ce chiffre grandisse encore. Les magistrats italiens des tribunaux mixtes, — contrairement à l’usage général, — affectent de rédiger leurs jugemens en italien. Les avocats italiens font de même pour leurs plaidoiries, et même pour les annonces légales. D’autre part, les consuls agissent sur les colons italiens, pour que leurs enfans fréquentent exclusivement leurs écoles nationales. On multiplie ces écoles ; on bâtit même un lycée au Caire ; et, en faveur de ce mouvement la Société Dante Alighieri, — équivalent de notre Alliance française, — s’efforce de réunir des cotisations.