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REVUE LITTÉRAIRE

UN ROMAN DE M. PAUL BOURGET[1]

A sagittâ volante in die, a negotio perambulante in tenebris, ab incursu et dæmonio meridiano, «… la flèche qui vole en plein jour, le tourment qui rôde dans les ténèbres, l’attaque du démon de midi : » ces mots de mystérieux péril, empruntés à un psaume, M. Paul Bourget les a inscrits, en épigraphe, à la première page du roman qui trouve là son titre, le Démon de midi ; et, dès le premier chapitre, un moine les commente. Le démon de midi, c’est la tentation du milieu du jour ; c’est, dans les cloîtres, l’acedia : dégoût, torpeur et tristesse, langueur de la piété, nostalgie du siècle, désir vague et mortel chagrin. Puis, les paroles de l’Écriture sont les riches symboles de vérités variées et nombreuses, dogmatiques et morales. La vie d’un homme se déroule comme une journée ; ainsi la tentation du milieu du jour, c’est la tentation du milieu de nos jours, celle qui vient nous assaillir avant le déclin, dans la force, dans le travail, dans la volonté opérante. Le conquérant commet son imprudence, le poète tourne au politicien, le sermonnaire lance son hérésie et, parmi de plus humbles types d’humanité, le quadragénaire se dérange. C’est une crise de ce genre qu’étudie M. Bourget. Mais il a choisi pour son héros un catholique, voire un défenseur de la religion, de la doctrine même et de l’orthodoxie, un laïc, un homme de plume et qui consacre son talent, sa foi, son énergie à lutter contre les ennemis de l’Église, ennemis du dehors, les athées et anticléricaux, ennemis de l’intérieur,

  1. Le Démon de midi, deux volumes in-16 ; Plon.