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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/713

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.





Il nous est difficile, dans une chronique qui doit être imprimée deux ou trois jours avant qu’elle paraisse, de donner les dernières nouvelles et de suivre dans leur précipitation les événemens qui se succèdent. Celle d’aujourd’hui était déjà presque complètement écrite lorsqu’un coup de foudre a éclaté dans un ciel qui, certes, était loin d’être serein, mais où un éclat de cette soudaineté et de cette violence était à bon droit inattendu : nous voulons parler de l’ultimatum que le gouvernement austro-hongrois vient d’adresser au gouvernement serbe. L’effet produit a été de la stupeur. La veille encore, on assurait à Vienne que la note en préparation serait conciliante et modérée : cette espérance a été cruellement, brutalement trompée.

L’histoire diplomatique ne présente pas, à notre connaissance, un autre exemple d’un document du même genre : même lorsqu’on est résolu à la guerre, on reste habituellement soucieux de se concilier l’opinion de l’Europe, en employant certaines formes. Comment ne pas voir une provocation pure et simple dans l’ultimatum austro-hongrois ? L’empereur François-Joseph avait été mieux inspiré, lorsque, après l’assassinat du prince héritier, il a adressé à ses ministres la noble lettre dont nous parlions il n’y a pas plus de quinze jours. Il attribuait alors le crime de Serajevo au « vertige d’un petit nombre d’hommes induits en erreur : » il l’attribue aujourd’hui, ou du moins son gouvernement l’attribue à tout un peuple qu’il prétend condamner à faire publiquement le plus humiliant des mea culpa et à consentir à des conditions qui, impérieusement dictées, portent une atteinte profonde à son indépendance et à sa dignité. La Serbie s’est pourtant inclinée, mais rien n’a arrêté son intraitable adversaire. C’est une lourde responsabilité que, à la fin d’un long règne commencé dans l’orage, poursuivi à travers de tragiques péripéties et qui menace de se terminer dans une effusion de sang comme le monde n’en a pas