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féminins qui ne semblent pas avoir forcé la porte par des titres bien retentissans. C’est peut-être de ce côté que les universités d’Italie aiment le mieux à prouver leur libéralisme ! car les quelques étrangers qui ont figuré dans les cadres se raréfient. On m’affirme que, dans la pratique et dans la procédure administrative, sinon dans la législation proprement dite, il a été opposé à ces appels du dehors quelques petites difficultés.

C’est que, malgré le libéralisme apparent des choix, le jeune corps professoral et l’ensemble de ceux qui aspirent à en grossir les rangs ne se montrent pas très satisfaits. Ils trouvent d’abord qu’on abuse du droit de reculer les élections en confiant des chaires vacantes à des professeurs déjà en exercice et qui cumulent : ici titulaires, là chargés de cours, en même temps, et pendant des six, huit et dix années. Cet abus sévit particulièrement dans les petites universités où naturellement les plus jeunes doivent débuter ; mais il se reproduit aussi ailleurs. Il en résulte que la carrière des uns est obstruée et que celle des autres est alourdie par la nécessité de suffire à des enseignemens où il n’est pas toujours facile de conserver intacte son aptitude aux recherches personnelles et au renouvellement de leurs résultats. On me cite par exemple un professeur de morale qui est en même temps chargé de cours (incaricato) de littérature. Je rencontre moi-même un professeur de minéralogie qui est en même temps chargé d’un cours de mathématiques, à trois leçons par semaine.

L’avancement ainsi retardé est d’autant plus lent que la limite d’âge, en fait, n’existe pour ainsi dire pas. Il est bien imprimé que les professeurs prennent leur retraite (riposo) à soixante-quinze ans ; mais il suffit de faire une demande pour être admis à continuer, et beaucoup continuent en effet à des âges qui ailleurs paraîtraient invraisemblables. A Naples, un professeur est encore aujourd’hui en possession d’une chaire à quatre-vingt-cinq ans. Sans aller jusque-là, les professeurs de quatre-vingts, quatre-vingt-un, quatre-vingt-deux ans ne sont pas rares. Quelques-uns de ceux-là portent des noms justement honorés ; mais, outre que cet usage risque d’amener un certain manque d’équilibre entre l’esprit de tradition et l’esprit de recherche, entre l’amour de la paix intellectuelle et l’ardeur pour la controverse, il est certain que les nominations et les avancemens les plus désirables doivent en subir des retards