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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/841

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de dix-neuf ans, c’est-à-dire de deux ans plus jeune qu’elle ; elle a eu de lui trois enfans. L’aîné, Joseph, n’a que six ans ; il est le favori de sa tante Charlotte. Sa mine chétive fait peine à voir. Les deux autres, Lucien, deux ans, et Julie, six mois, sont aussi très petits.

Le roi Jérôme est venu et nous est resté pour le déjeuner : c’est aujourd’hui seulement que j’ai été présentée à toute sa famille, à l’issue de la messe que nous étions allés entendre chez lui.

Le Roi, jeune encore, puisqu’il était le cadet des frères Bonaparte, ressemble à l’Empereur, mais avec un profil en casse-noisettes qui lui donne quelque chose d’un peu grimaçant. Il est loin aussi d’avoir avec son aîné une parfaite similitude morale. Napoléon, qui le savait léger et porté aux aventures, voulut faire de lui un officier de marine. Il le mit à l’apprentissage près de l’amiral Gantheaume, dont il avait apprécié les talens pendant sa traversée d’Egypte, et l’expédia à Saint-Domingue avec le général Leclerc, le mari de Pauline et leur beau-frère à tous deux ; mais il ne réussit pas à lui donner le goût de la discipline. En 1803, au cours d’une croisière aux Antilles, Jérôme prit la mouche sur une observation de Villaret-Joyeuse et laissa là le commandement de son brick pour passer en Amérique. Cette équipée fut complétée par son mariage avec Mlle Elisabeth Patterson de Baltimore, mariage déclaré nul en 1805 comme ayant été contracté avant l’âge de la majorité et sans le consentement de Madame Mère. Replacé dans la Marine, Jérôme fit partie de l’expédition de 1805 à la Martinique. Cette année ayant été fatale à la flotte française, il passa dans l’armée de terre et fit comme général les campagnes de 1806 et 1807. La bienveillance invariable de Napoléon alla alors jusqu’à créer le royaume de Westphalie exprès pour ce Benjamin de la famille ; mais, cette fois encore, il ne fut pas payé de retour, le règne de Jérôme n’ayant été qu’une suite d’inconséquences politiques, de caprices d’humeur et d’amoureuses prodigalités.

En 1812, où il commandait l’aile droite de l’armée, ses fautes militaires firent manquer la première manœuvre que l’Empereur avait conçue et par laquelle la campagne pouvait se terminer d’un seul coup. Comme mari, il avait eu plus de torts encore que comme général, mais sans lasser l’indulgence de la Reine sa femme, d’accord avec l’Empereur pour tout pardonner.