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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/861

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que tous ces faquins ne l’assaillent, et ils sentent affreusement mauvais.

Elle reçoit de tous côtés des nouvelles qui l’alarment. Bologne est en effervescence, et la Romagne s’agite. Ces mouvemens sont simultanés ; cependant, ils manquent de concert ; si l’idéal des patriotes est partout le même, leurs intérêts diffèrent selon les gouvernemens et les localités. La Lombardie n’est pas assez malheureuse pour risquer une révolution. Le Piémont est divisé d’opinion et n’a pas de raisons certaines pour désirer retomber dans les échauffourées de 1821. La Toscane est tranquille sous un bon prince. Ferrare est contenue par une garnison. Reste l’agitation romaine et ce qu’elle pourrait produire ailleurs, si elle réussissait ici. Mais le peuple est mobile et peut revenir à ses prêtres, après être allé aux républicains. Réussirait-on à changer par force la forme du Gouvernement, qu’on n’aurait fait que provoquer l’intervention autrichienne et préparer par-là le retour au précédent ordre de choses, avec beaucoup d’humiliation subie et beaucoup de sang répandu.

La Reine conclut de cela que l’intérêt du moment n’est pas à Rome, mais à Vienne et à Paris. L’Italie ne peut attendre sa liberté que d’une guerre entre l’Autriche et la France. Cette guerre fait aussi le sujet des conversations, mais on en parle un peu au hasard, car le roi Louis-Philippe est d’humeur pacifique, et il fera tout pour éviter des complications. Le choléra-morbus russe nous menace peut-être davantage. Dans tous les cas, l’année qui vient ne commence pas pour l’Europe sous d’heureux auspices.


Dimanche, 13 décembre.

Les événemens se sont précipités d’une manière si inattendue depuis vingt-quatre heures que j’en suis encore tout étourdie.

J’avais eu tant d’ouvrage hier, qu’il m’avait été impossible de trouver dans l’après-midi un instant pour m’habiller. Je montais donc pour diner en robe du matin, quand la Reine s’est avancée vers moi en disant : « Vous savez, Louis part ; il est exilé de Rome ! » Un colonel, suivi de deux officiers, était venu apporter au Prince un passeport, avec l’ordre de quitter la ville dans l’espace d’une heure, et tous les préparatifs de ce départ étaient commencés.