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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/860

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est allé mourir ; puis l’an dernier, la Russie, avec laquelle il voulait se battre contre les Turcs.

Ce qui se passe dans Rome est bien fait pour exalter une tète aussi chaude. On vient d’exiler encore vingt-quatre personnes, et son maître d’armes est du nombre. La liste, parait-il, est de deux cents noms. Le prince Gagarine en parlait chez le prince de Montfort. « Les cardinaux sont fous ! disait-il. La révolution ne vient pas assez vite, à leur gré. Ils veulent la presser en tourmentant les gens. » Les cardinaux savent comment la partie est liée entre les princes de l’Eglise et les patriotes italiens. La ligue della Santa-Fede a eu pour chefs Pie VII, puis Léon XII ; elle ne faisait qu’un avec le parti des Jésuites français. Son plan était le partage de l’Italie en trois parties : le Nord au duc de Modène, la Toscane et les Etats de l’Eglise au Pape, le reste au roi de Naples. Les sociétés secrètes veulent au contraire l’unité politique de la péninsule. Elles se composent d’hommes qui ont joué un rôle sous Napoléon, d’officiers qui ont servi sous le prince Eugène, enfin de tous ceux que les changemens de 1815 ont lésés et mécontentés. C’est parmi eux que le mouvement révolutionnaire du Piémont, en 1821, trouva ses principaux acteurs. La Révolution parisienne du mois de Juillet dernier les encourage ; ils croient l’heure propice pour obtenir ici des droits politiques, au moment où le trône pontifical est vide, le gouvernement ébranlé, et le peuple éprouvé par de mauvaises récoltes qui l’indisposent contre le pouvoir.

Le maïs a manqué. Les paysans affluent en foule. On vole le pain dans les boutiques de boulangers. On arrête les passans en plein jour pour les dévaliser. Douze hommes ont forcé la porte de l’ambassadeur de Bavière ; ses domestiques ont dû lutter pour les mettre dehors. Il a demandé aussitôt réparation. L’usage veut, dit-on, si les coupables sont pris, qu’il ait le droit de les faire fouetter sous ses fenêtres. Notre palais n’est pas plus sûr que le sien, ouvert qu’il est le jour comme la nuit, et sans portier. A quelque heure qu’on entre ou qu’on sorte, des hommes sont cachés dans les escaliers. Ce ne peut être que pour voler ou pour espionner, à moins que ce ne soit pour faire l’un et l’autre. Ils ont beau jeu, dans une maison où l’on parle à tort et à travers et où la Reine a l’imprudence de se faire apporter en plein jour des sacs d’argent. Elle ne monte pas en voiture,