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esquif sans voile ni rame. Le souffle de Dieu les poussa d’abord vers l’embouchure du Rhône, puis vers l’île qui dès lors prit le nom de Magdalena (Madeleine), et dont Simon fut le premier évêque.

On ne retrouve plus aujourd’hui dans la ruine de Maguelone que des traces de mort, des pierres tombales, des caveaux, où les hauts barons de la province demandaient que de très loin on les enterrât. Pour découvrir dans ces poussières la noblesse du passé, et pour l’aimer encore, il faut avoir l’âme pieusement éprise des beautés de ce moyen âge si hardi et si généreux, d’où nous sortons nous-mêmes… Sous la tente du pêcheur, au bord de la mer, de braves gens m’accueillent. J’y dors comme un roi, bercé par le mouvement des vagues, au milieu du silence attentif de l’espace. Dès l’aurore, on se réveille. C’est un éblouissement de couleurs pures, étincelantes, la mer, les étangs, les sables, le soleil qui se dégage là-bas de nuées légères. On dirait que la plage parfois remue, comme une épave, au milieu des lagunes. Pays de France inconnu, ou presque, baigné d’une si tendre lumière, d’eaux si doucement vivantes, et qui font à Maguelone une mort lente, heureuse. L’horizon de la mer s’éclaire d’une frange d’or, tandis qu’au loin les Cévennes élèvent leurs murailles de bronze. Les sables, du côté de Palavas, ainsi que du côté de Cette frissonnent de petits ruisseaux blancs qui courent parmi des marais, des îlots de joncs et de salicornes. On songe aux pays bas de la Hollande. Les barques de pêche, tendant leurs voiles pointues, marquent de bizarres taches noires l’étang de Thau.

Au delà de Mireval, dans le château duquel Marie de Montpellier se réconcilia un soir avec le roi Pierre II d’Aragon, son volage époux, je vais, par le cirque de Miège, qui s’entr’ouvrit dans la roche calcaire, lors de l’effondrement de notre planète ; je vais, par les gradins tapissés de chênes-verts, enguirlandés de lierre et de vigne sauvage, à Balaruc. C’est l’ancienne bourgade thermale où fut enseveli, sur la presqu’île qui s’avance dans l’étang de Thau, Joseph Montgolfier, en 1810. Le ciel flambe, à l’approche de midi, et presque aussi doré qu’une moisson mûre. Il n’y a d’ailleurs presque partout, sur les eaux, sur les sables, que des lueurs blondes. Est-ce à cause de cela que l’étang de Mauguio a été appelé également l’étang de l’Or ? Ou bien, est-ce parce que des particules d’or ont été en proportion