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basque. En 1851, Louis-Napoléon, qui n’était encore que Président de la République, eut peur, pendant l’après-midi qu’il passa à Pézénas, de ce Poulain gigantesque, où il croyait sans doute que se cachait une machine infernale.

Il y a encore bien d’autres jeux qui, de temps immémorial, satisfont chez cette race ardente du Languedoc son besoin de plaisir et de bruit. Les Poussées d’abord. D’où vient cette saturnale formidable, presque barbare ? Il m’a été impossible de le découvrir. Sur la promenade du Quai, au milieu de la ville, le peuple tout entier se rassemble pour communier dans la joie. Les haines politiques ou religieuses n’existent plus. Deux partis, les Camisards, les Empaillés, dont les titres expliquent assez les façons et le vêtement, se ruent à plusieurs reprises l’un contre l’autre, au son des tambours et des clairons qui battent et sonnent la charge. Et l’on se pousse, l’on se presse, jusqu’à ce qu’enfin, de guerre lasse, on s’étreigne fraternellement, avec des rires, des tapes, qui sont des caresses pour nos rudes travailleurs de terre. Ensuite, la danse des Quécos, en l’honneur du Poulain : une sorte de gavotte où les jeunes gens sautent tantôt sur un pied, tantôt sur un autre, en tournant autour de la bête symbolique et folle qui agite sa tête aux bruissans grelots ; — la Danse du Soufflet, pétulante et railleuse ; — le Feu aux Fesses, un peu diabolique, et qu’on ne danse que le soir.

La grande fête populaire, celle que les Piscénois préparent avec le plus de fièvre et de prédilection, tous les dix ans, c’est la Fête de Caritach. « Certains auteurs en font remonter l’institution en 738, à l’époque où Charles-Martel chassa les Sarrasins de la Septimanie. Une touchante coutume l’inspire. Au moyen âge, une fois par an, le jour de l’Ascension, les consuls des villes du Languedoc distribuaient aux pauvres les revenus des biens administrés par les établissemens de charité. On se rendait en procession solennelle à l’église, où le pain et le blé étaient bénits. Peu à peu, l’usage transforma cette procession en un cortège imposant, auquel prenaient part tous les corps de métiers[1]. » Pendant les jours heureux de Caritach, Pézénas se retrouve encore ville d’États. De tout le Languedoc, des provinces voisines, accourt une vraie foule d’invités et de curieux. Dès le premier matin, les hôtels et les auberges se remplissent ;

  1. A.-P. Alliès, Pézénas, Ville d’États.