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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/108

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plutôt dans son fidèle attachement à la terre natale, — lorsque le pouvoir a reconnu que ni les procès, ni le reste des vexations de toute espèce dont on l’accablait ne le réduisaient à vendre son domaine familial, — sur lequel on entend bien que, depuis longtemps déjà, le-dit pouvoir avait eu soin de s’attribuer un droit de « préemption, » — licence lui a été octroyée de s’emparer tout simplement du domaine, après avoir payé au propriétaire ainsi dépouillé une somme plus ou moins égale à sa valeur. C’est de cette manière qu’en octobre 1912, quatre des plus universellement connus et respectés parmi les propriétaires posnaniens, MM. Koscielski, Trzcinski, Zablocki, et Mme Liszkowska, ont soudain reçu l’avis d’avoir à quitter leurs domaines, — de superbes domaines de près de 2 000 hectares chacun, appartenant à leurs familles depuis des siècles, mais dont la Prusse avait résolu de faire, dorénavant, des terres allemandes. Voici d’ailleurs le texte authentique de la lettre imprimée qui avertissait ces quatre propriétaires de l’invraisemblable mesure prise à leur endroit :


ARRÊTÉ

La Commission royale de colonisation pour la Prusse occidentale et la province de Posen vient d’arrêter, dans sa réunion du 10 octobre 1912, que la propriété de..., se trouvant dans le district de..., appartenant à M..., avec toutes ses dépendances et avec toutes les parcelles sur lesquelles le même propriétaire se trouverait avoir des droits, lui sera désormais acquise par voie d’expropriation, conformément aux articles 13, 15 et 17 de la loi du 20 mars 1908. A Posen, ce 10 octobre 1912.

Pour la Commission de colonisation,

Le président : GRAMSCH.


Je me souviens d’avoir lu dans les journaux polonais, il y a deux ans, le récit des circonstances profondément émouvantes qui avaient précédé ou accompagné la quadruple expropriation. Interpellations au Reichstag, suppliques des habitans allemands de la contrée, rien n’avait pu arrêter la toute-puissante « Commission de colonisation ; «  et tour à tour chacun des quatre propriétaires avait dû quitter, sous peine de prison, la vénérable demeure que, naguère encore, il avait espéré transmettre à ses enfans. Détail particulièrement grotesque et navrant tout ensemble : l’un de ces propriétaires, M. Trzcinski, qui avait autrefois acheté lui-même le domaine dont il se voyait à présent dépouillé, l’avait alors payé 15 000 marks de plus que le prix qui lui en était donné par les spoliateurs ; non contens de lui prendre par