Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

IMPRESSIONS D’UN COMBATTANT

NOTES DE ROUTE


« J’étais là, telle chose m’advint. »


L’arçon d’une selle est un pupitre peu commode pour écrire, et j’ai dû attendre, avant de pouvoir griffonner ces notes de route, notre arrivée dans le charmant village de la Haute-Alsace où, soldat de 2e classe, je cantonne aujourd’hui 15 août.

Avant d’entrer dans mon sujet, avant d’essayer de faire revivre, par quelques notations brèves, ces heures intenses et joyeuses, mes lecteurs me permettront de leur présenter une requête. Je n’imaginais guère, lorsque je rédigeais pour eux ma dernière « Revue Scientifique, » que si tôt après j’aurais à leur donner des feuilles de route crayonnées le sabre au côté, tandis que la basse chantante du canon emplit l’horizon de sa grave musique. Ils voudront bien admettre, j’en suis sûr, qu’il y a des circonstances atténuantes à cette obligatoire confusion des genres. D’autre part, le premier devoir du chroniqueur scientifique est d’oublier complètement sa personnalité ; maintenant, au contraire, je ne pourrai faire de même, puisque ces lignes sont des impressions, c’est-à-dire les reflets dans une âme particulière d’événemens particuliers. Je parlerai, néanmoins, le moins possible de moi, juste ce qu’il faut pour qu’on n’oublie point que ces heures ont été vécues, que ces choses ont été vues, senties, c’est-à-dire des notations, à l’encontre des