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toute liberté d’action, en mettant leur escadre de croiseurs cuirassés sous les ordres du commandant en chef de notre armée navale.

C’est naturellement dans l’Adriatique que se porte notre effort. On a appris, avec une grande satisfaction, — et cette satisfaction serait plus grande encore sans doute si nous avions des détails sur l’engagement dont il s’agit, — que notre flotte avait coulé un cuirassé autrichien, le Zrinyi[1], et deux bâtimens de moindre tonnage, dont un croiseur de 2350 tonnes, le Zenta. Celui-ci aurait été atteint, affirme-t-on, à 14 000 mètres, par un projectile de gros calibre. Ce chiffre de 14 000 mètres a vivement frappé les imaginations. Quelques doutes ont même été émis, qui ne sont pas entièrement justifiés ; et, sous prétexte qu’il s’agissait de la Méditerranée, on a parlé d’exagération méridionale. La vérité est qu’avec la tension et la justesse de trajectoire des canons modernes, avec la perfection de leurs engins de pointage, avec, surtout peut-être, la limpidité d’atmosphère de l’Adriatique, des pointeurs exercés et de bons officiers de tir, comme le sont les nôtres, peuvent obtenir de surprenans résultats.

Au moment où j’écris ce rapide résumé des opérations maritimes, la flotte combinée canonne énergiquement les positions autrichiennes qui dominent le bassin si curieusement découpé[2] que l’on désigne sous le nom de bouches de Cattaro. Nos canonniers se trouvent là en présence de difficultés d’un genre tout différent de celles qu’ils sont appelés à résoudre d’ordinaire, car, s’il s’agit de buts fixes, ces objectifs sont souvent peu visibles, en tout cas placés très haut, les montagnes qui encadrent le bassin ayant des altitudes qui varient de 400 à 800 mètres. L’action de nos bouches à feu a cependant puissamment secondé les efforts des Monténégrins.

D’autre part, on assure qu’en employant certains procédés de

  1. Le Zrinyi était à peu près exactement du type de nos cuirassés de 15 000 tonnes Patrie, Vérité, Justice, etc. Caractéristiques essentielles : 14 500 tonnes, 20 nœuds, 1 300 tonnes de charbon, 230 millimètres de cuirasse, 4 canons de 305 millimètres, 8 de 240, 20 de 100, 3 tubes lance-torpilles, 870 hommes d’équipage. — Je dois dire que la destruction de cette puissante unité n’a pas été confirmée officiellement.
  2. Le golfe de Cattaro proprement dit est précédé de deux bassins, — baie de Teodo et baie de Topla, — et d’un vestibule débouchant sur la haute mer. Les Autrichiens tiennent ces débouchés et bloquent les Monténégrins dans le fond du golfe de Cattaro.