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même à se rendre à la Conférence de Londres et finalement s’en abstint. On demeure étonné devant l’état d’esprit des hommes de cette époque. Ceux d’aujourd’hui ont montré une intelligence plus éclairée de leur devoir : ils ont mis le gouvernement de la France hors de la portée de l’ennemi.

Quant aux événemens de la guerre, nous avons peu de chose à en dire : d’abord ils nous sont mal connus, ensuite ils continuent de se dérouler. Ils nous sont mal connus parce que, avec une prudence dont nous n’avons garde de nous plaindre, — nous la louons fort au contraire, — les autorités militaires qui nous renseignent le font avec une extrême réserve. Les communiqués officiels sont d’une brièveté sibylline et il est presque impossible de lire entre les quelques lignes dont ils se composent. Au début de la guerre, du temps de M. Messimy, ils étaient beaucoup plus larges, mais ils étaient diffus, et la lumière qu’ils nous apportaient éclairait mal le contour des choses : nous préférons ceux d’aujourd’hui, bien qu’ils nous mesurent la vérité au compte-goutte. Les notions succinctes qui s’en dégagent sont les suivantes. A la grande bataille de Charleroi, livrée en Belgique, notre aile gauche a souffert. Dans l’intention de nous tourner d’abord et de nous envelopper ensuite, les Allemands avaient concentré sur ce point leur effort principal. Un contingent anglais a supporté l’assaut avec nous ; il a fait preuve d’un grand héroïsme et nos propres troupes ont mérité le même éloge ; mais, devant des forces très supérieures, le général Joffre a jugé qu’il valait mieux se replier un peu en arrière et chercher plus au Sud une meilleure ligne de combat. Lui seul était juge de ce que comportait la situation, et tout porte à croire qu’il l’a compris puisque, si nous n’avons pas encore obtenu un succès important, nous n’avons subi non plus aucun revers caractérisé. Notre armée a fait de grandes pertes, mais tout porte à croire que celles des Allemands sont plus grandes encore. Pendant les jours qui ont suivi, la manœuvre des deux armées ennemies n’a pas changé. Bien que la bataille ait continué sur l’immense ligne que l’on sait, elle a été particulièrement importante à l’extrême-gauche française, à l’extrême-droite allemande. Les Allemands n’avaient pas renoncé à la volonté et à l’espérance de nous tourner par là. C’était leur plan. N’ayant pas, pour l’exécuter, hésité à violer la neutralité de la Belgique, ils ont voulu avoir au moins l’avantage matériel d’un acte aussi osé, mais ils n’y ont pas réussi, et ils ont dû finalement modifier leurs dispositions. Ils avaient d’abord visé directement Paris ; ils s’avançaient vers la ville en droite ligne et n’en étaient plus qu’à quelques étapes. C’est