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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Après l’incendie de l’Université de Louvain, celui de la cathédrale de Reims ! La science, l’art, la religion, l’histoire sont tour à tour les victimes de cette culture allemande qui prétendait s’imposer à notre admiration et ne produit aujourd’hui dans le monde civilisé qu’une impression d’horreur. L’étonnement s’y mêle. On savait la race allemande violente, grossière, brutale, mais on la croyait intelligente et pratique, et on se demande, sans que le bon sens puisse fournir une réponse satisfaisante, de quelle utilité peut être ce dernier crime à ceux qui l’ont commis. Il ne peut s’expliquer que par un accès de rage produit par le sentiment de l’impuissance. Depuis qu’ils ont franchi leurs frontières, les Allemands ont marché de déceptions en déceptions. Le plan de guerre qu’ils avaient patiemment élaboré n’a reçu nulle part, ni en Belgique, ni en France, ni en Russie, la consécration de l’événement. Les espérances dont ils s’étaient bercés ont été durement, cruellement trompées. Leur armée, qui ne doutait pas de sa victoire et la croyait facile, sent passer sur sa tête le vent de la défaite. De là les accès de colère aveugle auxquels nous la voyons se livrer, et, à quelques égards, cet odieux spectacle est pour nous rassurant.

Nous pleurons nos villes détruites et nos monumens incendiés ; rien ne nous consolera d’avoir vu s’effondrer sous les obus teutons ce merveilleux chef-d’œuvre qu’a été la cathédrale de Reims ; mais à travers les flammes et la fumée du sacrifice apparaît une promesse. Il y a quarante-quatre ans, l’armée allemande a été maîtresse de Reims : pourquoi a-t-elle respecté alors la cathédrale qu’elle a incendiée aujourd’hui ? C’est qu’elle était victorieuse, que ses plans s’exécutaient, que ses calculs se réalisaient, et la satisfaction qu’elle en éprouvait lui tenait lieu de générosité. Tout cela est changé, et le bombardement de la cathédrale en est la preuve. L’armée allemande, n’ayant pas