Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les batteries du capitaine de vaisseau Rigault de Genouilly, — 30 canons et 1000 marins, — firent merveille. Qu’en disent nos brillans officiers canonniers qui ne voulaient rien connaître que les pièces monstres à trajectoire tendue et les vitesses initiales de 1000 mètres ? On s’aperçoit qu’un bon obusier, pour ne pas dire un mortier long, aurait fort bien sa place dans notre matériel, et d’aucuns rêvent déjà de bombardes comme celles qui jouèrent dans la baie de Streleska, le jour du grand assaut, le 8 septembre 1855[1].

On a, nous le savons aussi, occupé de vive force l’île de Lissa. Je ne me flatte pas d’avoir indiqué la valeur de cette position dans ce que j’écrivais il y a un mois. Pour qui veut dominer l’Adriatique et préparer l’attaque de l’Istrie, un coup d’œil sur la carte suffit, avec un peu de réflexion et quelques souvenirs historiques. L’un de ces souvenirs, honorable pour nos armes, est toutefois moins satisfaisant pour notre amour-propre que celui de l’opération du 24 septembre. Le 12 mars 1811, le commandant Dubourdieu livra combat, près de Lissa, au commodore Hoste. L’Anglais avait quatre belles frégates parfaitement armées et aguerries ; le Français en avait six, dont trois vénitiennes, qui sortaient pour la première fois de leur port. Avec cela, Dubourdieu commit la faute de se jeter sur son adversaire avant que sa division ne fût ralliée. Il succomba glorieusement.

La question se pose toujours de l’opportunité d’une attaque en règle de Pola. N’en disons pas plus. Je n’insiste pas davantage sur l’attitude de la Turquie, redevenue, après une certaine détente, tout à fait hostile aux puissances alliées. Il existe cependant quelques indices que l’on sent confusément, là-bas, l’extrême gravité d’une détermination qui compromettrait l’existence de ce qui reste de l’empire Ottoman.

En tout cas, avec la flotte russe de la mer Noire[2], d’une

  1. Il y aurait intérêt, en attendant, à fournir à nos unités de combat, pour leurs bouches à feu grosses et moyennes, des charges réduites permettant d’obtenir des trajectoires courbes, quand besoin en serait. Il faudrait, bien entendu, des tables de tir spéciales. J’avais demandé cela dans mon « Étude sur les opérations combinées (siège maritime) », il y a trente ans.
  2. Cette flotte compte en ce moment : 6 cuirassés, 2 grands éclaireurs, 5 « destroyers » de 1re classe (600 à 1000 tonnes), 15 de 2e classe (250 à 350 t.), 6 sous-marins, 2 mouilleurs de mines, 4 dragueurs de mines, 4 canonnières. Il y a en construction 3 cuirassés, 9 contre-torpilleurs, 6 sous-marins et 2 croiseurs légers.