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2° Le verticalisme, qui est un des traits les plus typiques de l’art gothique, va se développer à Reims par la suppression des horizontales et la multiplication de toutes les lignes ascensionnelles, telles que frontons aigus et légers pinacles. On supprime, au-dessus des portes, cette ligne des rois qui, à Paris, barrait la façade comme une énorme corniche. Au-dessus des portes, c’est l’apparition d’un gable marquant plus nettement leur verticalisme, et entre les portes, pour amortir le vide qui les sépare, c’est une suite de statues se superposant, partant de la base des tympans, pour s’épanouir entre la naissance des archivoltes. Là, pour la première fois peut-être, nous voyons apparaître, sur une façade, le motif des Verseaux, ces belles figures de jeunes gens tenant des urnes qui symbolisent les quatre fleuves du Paradis. Il m’est impossible de ne pas rappeler ici que dans le Saint-Marc de Venise, où l’on voit tant d’influences gothiques françaises, notamment dans la grande rose du transept nord, et sur la façade, dans les portails, dans la grande verrière et dans les arcs en accolades qui la surmontent, on retrouve en particulier au-dessus des portes les Verseaux de Reims.

3° L’augmentation des vides, nous la voyons dans les dimensions plus grandes données à la rose, dans l’évidement des clochers qui sont tout à jour dès leur partie inférieure, et plus encore, à leur sommet, lorsqu’ils se détachent de la masse carrée de la façade. Ces tours terminales de Reims, il faut les rapprocher de celles de Paris. C’est le même motif, accentué encore dans le sens de la légèreté et de la complication des formes. Toutefois, il y avait à Paris un motif d’une grande légèreté qui n’a pas été maintenu à Reims, je veux dire la haute balustrade à jour unissant les tours. A Reims, cette balustrade n’existe pas, elle a été remplacée par le motif plus massif de la galerie des Rois et, de ce fait, la terminaison de la façade de Reims est moins fine et moins belle que celle de Paris, qui sur ce point reste incomparable. A juste raison, lorsqu’on énumère les chefs-d’œuvre de l’art gothique, on cite la nef d’Amiens, le chœur de Beauvais, les portails de Reims et les tours de Paris.

Les tours de Reims, comme celles de Paris, sont restées inachevées. Elles avaient été conçues, comme toutes les tours gothiques, pour être terminées par de hautes flèches à jour.] Mais telles qu’elles sont, elles sont si belles, elles nous