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passerait de gré ou de force par la Belgique. Qu’à un moment quelconque, l’Angleterre ait échangé quelques vues avec la Belgique sur ce qu’il y aurait éventuellement à faire en pareil cas, c’est possible, mais cela ne prouve nullement que la Belgique soit entrée dans un complot contre l’Allemagne, ni qu’elle ait été jamais songé à sortir spontanément de sa neutralité. L’accusation est une perfidie et une imposture de plus de la part de l’Allemagne : personne n’y a cru, personne n’y croira.

Nous nous sommes laissé aller à discuter l’ « Appel des savans allemands aux nations civilisées. » En valait-il la peine ? Il faut bien le croire, puisque notre Institut national l’a cru. Le gant lui avait été en quelque sorte jeté, il a voulu le relever. Il a cherché, en tâtonnant un peu, la forme qui conviendrait le mieux et, finalement, M. Louis Renault a été chargé d’exprimer sa pensée dans la séance publique annuelle que les cinq académies ont tenue le 26 octobre. D’autres orateurs, M. Appell, qui présidait la séance, MM. Henri Cordier, Homolle, Lacour-Gayet, René Doumic, qui parlaient au nom de leurs académies respectives, l’ont fait avec une éloquence qui a profondément ému l’auditoire; ils ont été très applaudis et l’auraient été encore davantage si l’angoisse n’avait pas si fortement étreint les cœurs. M. Louis Renault, parlant pour l’Institut tout entier, a voulu être très simple et, dédaignant toute rhétorique, s’est contenté, avec l’autorité sans rivale qu’il a dans le monde, d’exposer les règles de la guerre, telles qu’elles ont été fixées dans deux conférences à La Haye, avec le concours des représentans du monde entier. A qui la faute, si chaque règle énoncée par M. Renault faisait songer avec effroi aux violations dont elle vient d’être l’objet? A qui la faute, si presque chaque mot de l’orateur rappelait des faits dont il a pu dire que « nous en sommes aussi humiliés comme hommes qu’affligés comme Français? » Sa conclusion vaut la peine d’être reproduite ici. « J’ai terminé, dit-il, la revue des prescriptions d’ordre international, relatives à la conduite de la guerre, que je voulais vous soumettre. Ce sont là des textes émouvans dans leur brièveté, parce qu’ils correspondent, non à de pures hypothèses, comme c’est souvent le cas pour ces textes juridiques, mais à des faits trop réels, trop actuels, et si épouvantables qu’ils en sont invraisemblables et que les témoignages les plus probans deviennent nécessaires pour en faire admettre l’existence. Ce n’est pas sans une profonde tristesse que j’ai rassemblé des textes à l’élaboration desquels j’ai eu l’honneur de participer et qui me rappellent tant d’hommes éminens, convaincus,