Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
GEORGE SAND ET SA FAMILLE
PENDANT LA GUERRE (1870-1871)

Rappeler le souvenir de l’année terrible en ce moment paraîtra sans doute d’autant plus naturel, que tout ce qui explique la détresse d’alors justifie l’espoir d’aujourd’hui. Comment, d’ailleurs, la pensée ne se reporterait-elle pas d’elle-même à cette sombre époque, et au spectacle offert alors par chaque foyer ? Celui de George Sand, enfoncé au plus épais d’une province centrale, abrité par-là même contre l’invasion, épargné par la mort, ne fut certes pas des plus éprouvés en un sens. Cependant, il souffrit du désarroi général ; il fut bouleversé par la fuite, les angoisses ; il offre en bref l’image de ce que fut le pays. George Sand sentit son cœur de femme battre à l’unisson de la France, et en traduisit l’émoi. Derrière les siens pour lesquels elle tremble, elle aperçoit toujours la grande et douloureuse nation, celle en qui Michelet voyait la nation-martyre, apôtre et victime des idées généreuses qu’elle apporta au monde.

George Sand, revenue de 1848 et inconsolée de l’Empire, quoiqu’elle eût dit depuis longtemps à la politique un adieu plein de dégoût, et qu’elle se fût plongée dans le travail et la vie de famille, n’en interrogeait pas moins toujours l’horizon, se demandant si quelque lueur de l’aurore sociale désirée n’y luirait pas un jour. Le plébiscite lui répondit : la République était plus loin, et l’Empire semblait plus solide que jamais. Elle écrivait à sa fille, sur un ton de colère rancunière qui ne lui est pas habituel :

« Nous entrons dans le césarisme absolu par le plébiscite,