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EN EXTRÊME-ORIENT




I

LA DÉCLARATION DE GUERRE




Je ne pensais pas à la guerre ; mais jamais l’idée de l’Allemagne triomphante ne m’avait tant obsédé que depuis quelques mois. J’étais revenu au Japon à quinze ans de distance ; et le premier changement que j’y constatai, dès mon arrivée, me serra le cœur : les Allemands nous y avaient presque entièrement supplantés. L’influence anglaise y était restée relativement stationnaire ; mais tout ce que nous avions perdu, l’Allemagne l’avait gagné. Notre amitié pour les Russes n’en était aucunement la cause. Les Japonais se rapprochaient chaque jour de la Russie qu’ils n’avaient jamais tant admirée que depuis qu’ils l’avaient vaincue ; et l’accord que nous avions conclu avec eux en 1907, où nous nous engagions à nous appuyer mutuellement pour assurer la paix et la sécurité dans nos possessions asiatiques, avait achevé de dissiper les légers nuages qui s’étaient glissés entre nous pendant la dernière guerre. Si même il y avait une nation dont la civilisation leur semblât présenter quelques analogies avec la leur et, par suite, leur inspirât un peu de sympathie désintéressée, c’était incontestablement la France. Ils l’ont souvent dit ; ils l’écrivent encore : on peut les en croire. Mais leurs intérêts n’ont rien à voir avec leur sympathie ; et c’était précisément ce qui donnait à leur désaffection des choses françaises une signification si triste. Nous retrouvions