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où quatre Jésuites de la Pénitencerie demeurèrent on prières. Le premier rite des funérailles était accompli.

Le lendemain matin, 7 février, le gouverneur de Rome fit ouvrir les prisons de la ville, car, avant de paraître devant Dieu, le Pape était censé avoir remis toutes les peines infligées à ses sujets. Mais, pour que cet usage fût observé sans compromettre la sécurité publique, on transférait secrètement d’avance au château Saint-Ange les criminels et les malfaiteurs de marque. Le soir, à la tombée de la nuit, la dépouille du Pape fut portée à la chapelle Sixtine. Le cortège n’était formé que de soldats, et un seul prêtre y figurait, le curé de la paroisse du Quirinal. Cette cérémonie martiale frappait toujours les étrangers. Le président de Brosses, qui séjournait alors à Rome, ne fit point exception. « Je suis allé, dit-il, chez le duc de Saint-Aignan[1] voir passer ces obsèques qui ne sont que la translation du corps à Saint-Pierre. Il était porté sur une litière découverte de velours cramoisi brodé d’or, entouré de la garde suisse en hallebardes, précédé des chevau-légers et de quelques autres troupes, des trompettes et de plusieurs pièces de canon posées à l’envers sur leurs affûts roulans : le tout accompagné de plusieurs estafiers et d’une considérable illumination. C’était à huit heures du soir. J’ai cru d’abord que c’était quelque général d’armée, tué dans une bataille, que l’on rapportait dans son camp. »

Avec cette pompe nocturne commençaient les « grandes funérailles » pontificales, qui se prolongeaient neuf jours durant. Le mardi 8 février, au matin, les cardinaux, vêtus de violet en signe de deuil, se réunirent dans la sacristie de Saint-Pierre. Là, le secrétaire du Sacré Collège, Levizzani, leur donna lecture des diverses constitutions réglant l’élection du Pape et chacun d’eux jura d’en observer les termes. Le camerlingue se fit ensuite apporter l’anneau du Pêcheur[2] et le rompit avec ostentation, empêchant ainsi la fabrication de tout acte posthume ; pareillement, il brisa la matrice des bulles et reprit le sceau des brefs à son dépositaire. Puis, faisant appeler le gouverneur de Rome, il le confirma dans sa charge, avec l’assentiment de ses confrères. Enfin, avant de se séparer, les cardinaux tirèrent au sort ceux d’entre eux qui surveilleraient les

  1. L’ambassadeur de France.
  2. On appelle ainsi la bague épiscopale du Pape, dont le chaton lui sert de sachet.