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La surface boisée d’un pays n’est d’ailleurs qu’un élément de sa prospérité forestière, où le bon aménagement des massifs et l’abondance de leurs réserves en bois de futaie n’a pas un rôle moins considérable. Depuis que les combustibles minéraux, la houille et le pétrole, se sont substitués aux menus bois pour le chauffage des habitations et pour la métallurgie, depuis que l’immense développement de l’industrie a fait augmenter dans d’énormes proportions l’emploi des gros bois, l’avilissement des bois de feu et la hausse constante des bois d’œuvre ont précipité la spéculation sur l’exploitation exagérée des grands arbres. L’insuffisance de la production du bois d’œuvre dans le monde, que Mélard signalait en 1900, va toujours en s’accentuant, les coupes prématurées par lesquelles on s’efforce d’y remédier au jour le jour suppriment la production à venir et ne font qu’empirer la situation prévue par Sully depuis plus de quatre siècles : « La France périra faute de bois. »

Pendant le siècle qui vient de s’écouler, la plupart des forêts privées, qui forment en France deux tiers de l’aire forestière, ont été dépouillées de leurs grands arbres et transformées en maigres taillis ; d’importans capitaux se sont groupés pour ces exploitations soi-disant scientifiques, dont le ministre de l’Agriculture a montré le péril à la Chambre dans la séance du 13 février 1908.

« Nous sommes menacés aujourd’hui, disait le ministre, d’une déforestation des plus inquiétantes, puisqu’il est démontré que les inondations, avec leurs terribles conséquences, sont dues à des déboisemens généralisés. D’autre part, le régime des sources et des cours d’eau est en relation directe avec l’état boisé, et l’on a pu constater que le débit de certains grands fleuves a singulièrement diminué depuis quelques années, depuis qu’on procède à une véritable déforestation dans les régions supérieures de leurs bassins. C’est, pour les modestes ouvriers de nos campagnes, bûcherons, charretiers, etc., qui vivent de la forêt, une cause d’avilissement de prix et une source de misère qui peuvent avoir pour conséquence d’accentuer le mouvement d’exode des campagnes. »

L’influence du déboisement sur la dépopulation, signalée par le ministre, avait compté sans doute parmi les mobiles qui ont fait participer si activement les Allemands à la « traite internationale des forêts françaises » pour affaiblir notre pays et