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d’autres, en Angleterre, en France, en Russie, en Serbie, en Belgique, dans vos propres États, dans toute l’Europe, et jusqu’en Afrique, en Asie… Que Dieu éclaire votre conscience !

Cette sombre journée a pourtant eu ses momens de douceur, ceux que j’ai passés auprès des blessés en voie de guérison, qui m’accueillaient en ami et dont plusieurs se sont confessés. J’aime ce petit Irlandais si à plaindre et si résigné, toujours un chapelet autour de son bras. Grièvement blessé à la cuisse et laissé deux jours dans un bois, la gangrène l’a pris ; il a fallu l’amputer dès son arrivée. L’opération a réussi ; il regagne des forces ; il sourit chaque fois qu’on le visite.

Aujourd’hui aussi, j’ai eu un entretien rapide, mais intéressant avec M. Bacon, l’ancien ambassadeur des États-Unis, qui est venu dès le début de la guerre nous apporter sa fidèle sympathie. Il a ramené ces jours-ci un bon nombre de blessés des pays où l’on s’est battu, et il a pu, de ses yeux, constater les traces que laisse l’armée allemande. Son témoignage nous servira, ou plutôt il nous sert, devant l’opinion américaine. Encore plus précieuse, la présence parmi nous de M. Herrick, l’ambassadeur actuel, qui n’a pas voulu quitter Paris et qui sait y rendre tant de services. Bien que ses fonctions ne doivent commencer qu’à la fin de la guerre, M. Sharpe, son successeur désigné, a tenu à être des nôtres au moment de l’épreuve. Dès lors que tous s’accordent, et que tous aiment la France, réjouissons-nous d’avoir en même temps trois ambassadeurs des États-Unis.


20 septembre.

9 heures du soir. — A la messe de ce matin assistaient une vingtaine de soldats et deux officiers, tous ceux à qui leurs blessures permettaient de se lever. Ce n’était, ai-je besoin de le dire ? obligatoire pour personne ; mais l’accomplissement des devoirs religieux semble être redevenu dans notre armée, comme il n’a cessé de l’être chez celle des autres nations, un acte tout à fait normal. En ce troisième dimanche de septembre, fête de la Compassion de la Vierge, il n’y a eu qu’à leur rappeler, avec un commentaire de moins de dix minutes, les lignes de l’Evangile qui nous montrent Marie, debout au pied de la Croix, voyant souffrir, agoniser, mourir son Fils bien-aimé. Le rapprochement était trop facile avec tant d’autres mères qui