Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/750

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DE MONTMIRAIL Á VALMY

Certaines régions de la terre doivent à leur situation géographique d’être comme les champs clos de l’histoire où se règlent les destinées des nations. Avec la Lombardie, notre Champagne est un de ces chemins mystérieux du monde, suivant l’expression de Maurice Barrès, par où le germanisme toujours a tenté d’assaillir la civilisation de Rome et ses héritiers. « Destinée fatale, établie de toute éternité, de même que sur nos têtes, chaque automne, c’est le grand passage des oiseaux qui émigrent. » Les mêmes champs Catalauniques, qui virent la défaite d’Attila, virent, quinze cents ans plus tard, les journées glorieuses de la bataille de la Marne. Et quelle ne fut pas notre émotion de lire, dans les communiqués officiels, avec la nouvelle de notre offensive triomphante, les noms des victoires de Napoléon ! À un siècle de distance, deux empereurs, grisés par le rêve d’une domination universelle, vinrent ici se heurter à des ennemis qu’unissait le même besoin d’empêcher une insupportable hégémonie.

Sous la lumière d’octobre, avant que soient refroidies les cendres des héros morts et des maisons incendiées, j’ai voulu parcourir ces campagnes de la Marne, où l’histoire d’aujourd’hui se mêlera désormais à l’histoire d’hier.

Montmirail, par où j’ai commencé mon pèlerinage, à peu souffert de l’occupation ennemie. À peine un éclat d’obus égaré est-il venu, sur la colonne de Marchais, ajouter un souvenir de 1914 à ceux de 1814 ; mais l’aigle doré qui la surmonte est encore debout. Sans doute ce respect est-il dû au prestige que Napoléon exerce sur les Allemands et en particulier sur leur empereur qui comptait bien, par cette nouvelle guerre, se hausser à sa taille. Toujours est-il que ce culte s’affirma