Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/764

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
JOSEPH JOUBERT ET TAHITI

Il est bien difficile de songer à ce qui, par quelque trait, ne se rattache pas à la guerre ; et, pour s’échapper un instant, notre pensée a besoin d’une excuse, au moins d’un prétexte. Mais enfin, l’île charmante de Tahiti, la folie allemande l’a bombardée ; le doux rivage de Papeete a reçu les offenses de la Sauvagerie éperdue. Or, Tahiti, que Pierre Loti a célébrée, a parée dans nos imaginations d’une volupté belle et innocente, Joseph Joubert lui aussi l’a chantée. Il ne l’avait pas vue : il était casanier. Tout simplement, il lut, comme ses contemporains, et avec une joie chimérique, les voyages de Cook ; la description de Tahiti l’enchanta. Ainsi, par un chemin tout à fait imprévu, cette guerre qui nous a soudainement arrachés à la tranquille étude, me ramène au délicieux Joubert, pour un moment.

Le grand navigateur Cook était mort en 1719. L’Académie de Marseille ne tarda guère à mettre au concours l’éloge de cet homme illustre. Comme toujours, les candidats furent nombreux ; comme souvent, ils furent médiocres : et assez médiocres même pour que l’indulgente compagnie s’aperçût avec chagrin de leur médiocrité. A la séance publique du 26 avril 1786, le marquis de Pennes, directeur, loua « le plus célèbre navigateur qui eût jamais existé ; » il s’écria : « Peuples ingrats et féroces qu’il voulait instruire et policer, vous rougirez un jour d’avoir méconnu un aussi grand homme ! Et vous, messieurs, vous gémissez encore de ne pas trouver un panégyriste digne de lui. »

Un panégyriste digne de Cook, ce faillit être Joubert. D’ailleurs, il n’a pas concouru. Parmi les manuscrits conservés par