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intervention impossible « et inutile. Et comment l’Angleterre aurait-elle pu empêcher la guerre ? En -signifiant au gouvernement russe qu’elle ne la voulait pas et qu’elle saurait l’empêcher. Alors tout serait devenu facile : l’Allemagne aurait arrangé l’affaire en livrant la Serbie à l’Autriche, qui l’aurait exécutée en quelques coups de sabre, et l’Europe aurait continué de jouir du bienfait de la paix.

Il semble, au premier abord, qu’on aurait pu atteindre le même résultat par un autre moyen et que la paix aurait été également assurée si l’Allemagne, au lieu d’encourager et d’exciter l’Autriche dans ses monstrueuses exigences, lui avait notifié qu’elle ne voulait pas la guerre et qu’elle saurait l’empêcher. — Y pensez-vous ? proteste M. de Bethmann-Hollweg, nous tenir un pareil langage à l’Autriche ? — Et pourquoi pas, puisque vous exigiez de l’Angleterre qu’elle le tint à la Russie ? Est-ce que le cas n’est pas le même ? — C’est ce dont M. de Bethmann-Hollweg ne conviendra jamais. Les choses changent complètement de caractère quand il s’agit de l’Allemagne, par la seule raison qu’il s’agit d’elle, et qu’on ne saurait lui contester d’avoir tous les droits, les autres n’ayant que ce qui en reste. Ceux qui en doutent semblent n’avoir pas encore compris que l’Allemagne est la nation élue de Dieu, expressément chargée par lui d’exécuter ses décrets : et, en effet, quand on l’a compris, tout va de soi. Il est incontestable que la guerre n’aurait pas eu lieu si tout le monde avait cédé à la volonté de l’Allemagne, si la Russie avait capitulé une fois de plus, si la France et l’Angleterre avaient laissé faire. — Voyez pourtant comme c’était simple ! s’écrie M. de Bethmann-Hollweg. Il faut toute la méchanceté foncière de l’Angleterre pour ne s’être pas prêtée à un arrangement qui aurait satisfait tout le monde ! Aussi sera-t-elle punie comme elle le mérite, par la colère du ciel ! — Cela était-il donc aussi simple que semble le croire le chancelier impérial ? Il est permis d’en douter lorsqu’on se rappelle que l’Allemagne avait déjà déclaré la guerre à la Russie et à la Fiance et que celles-ci avaient relevé le gant, avant de savoir ce que ferait l’Angleterre : et il est très probable que l’Angleterre se serait abstenue, si la neutralité beige n’avait pas été violée. Après cette violation, pouvait-elle le faire ? Sans doute elle était tenue par sa parole et cela suffisait pour qu’elle tirât l’épée ; mais personne n’ignore, il n’y a pas un écolier qui ne sache que, si l’Angleterre a donné sa garantie à la neutralité belge, c’est parce que cette neutralité est pour elle un intérêt de premier ordre, un intérêt vital. Rien n’était plus connu. Mais, au.degré d’infatuation et de déraison