Belgique dans la plénitude de sa vie matérielle et de son indépendance politique, brisé le militarisme prussien, afin de pouvoir reconstruire sur la justice une Europe régénérée. » Tel est le but que les trois alliés se sont juré d’atteindre : le pacte du 4 septembre en fait foi. Si on en juge par certains indices, par certaines suggestions venues de sources plus ou moins obscures, l’Allemagne n’avait pas encore perdu hier tout espoir de faire une paix séparée avec un des trois alliés, qui serait nous peut-être et même de préférence. Ce sont là des espérances téméraires et injurieuses. M. Viviani en a fait justice. Tant pis pour ceux qui ont imprudemment et criminellement déclenché cette guerre abominable ! Nous avons fait tout ce qui était humainement et honorablement possible pour détourner le fléau ; mais, puisque nous ne l’avons pas pu, puisqu’on nous en a empêchés, nous sommes entrés dans la guerre avec la volonté très ferme d’en épuiser tous les effets, afin de n’avoir pas à la recommencer demain. Nous ne voulons plus de ce « système de provocations et de menaces méthodiques que l’Allemagne appelait la paix. » Pendant quarante-quatre ans, l’Europe a gémi sous le poids de ce système qu’on lui imposait au nom de la force : elle ne croit plus à cette force, elle la voit chanceler sur sa base, elle s’apprête à la voir tomber. « Nous avons la certitude du succès, » a déclaré M. Viviani, et cette affirmation, venant d’un gouvernement qu’on ne saurait accuser de forfanterie, a retenti dans le monde entier comme l’arrêt du destin.
L’Allemagne se refuse encore à le croire. Il semble pourtant que des fissures commencent à se produire dans la muraille de mensonge dont on l’a entourée. Le doute entre dans les esprits. Les Universités allemandes qui étaient, il y a quelques jours encore, unanimes dans l’espérance et la volonté de conquérir l’univers, se prennent à désavouer MM. Lasson et Ostwald, qui ont révélé ces grands projets avec un cynisme naïf : ces vieillards terribles sont devenus compromettans. Les savans allemands ont fait énormément de mal à leur pays depuis quelques semaines ! On cherche à réparer ce mal aujourd’hui, mais il est fait, et les marques en sont trop profondes pour qu’on puisse les effacer. Il n’est pas jusqu’au pamphlétaire Harden qui se préoccupe enfin de voir l’Allemagne entourée de tant d’ennemis et qui sonne la cloche d’alarme. « Nous avons contre nous, écrit-il, une majorité écrasante de pays neutres ; il se pourrait qu’une grande Puissance et deux nations guerrières de l’Europe orientale fortifient encore les rangs de nos ennemis. Il faut que l’Allemagne soit prête au pire sort qui l’ait jamais frappée. » Nous voilà loin des forfanteries imperti-