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actuelles en particulier, c’est-à-dire à un moment où nous regardons du côté de la Palestine et de la Syrie d’un œil particulièrement attentif, est une des plus grandes absurdités qu’on puisse imaginer. Mais ne sortons pas de l’Europe : il faut n’y rien connaître pour ne pas savoir, pour ne pas sentir que la fine main du Pape peut beaucoup sur le développement et l’évolution de plus d’une affaire qui intéresse à la fois nous, nos alliés et nos ennemis. Les Puissances s’en rendent toutes si bien compte qu’elles s’appliquent à circonvenir le Saint-Siège. L’Allemagne s’y emploie de son mieux, et c’est pour cela qu’un incident maladroit, comme celui de Malines, peut lui créer des embarras. Mais nous, que faisons-nous ? Que pouvons-nous faire ? Rien, et notre abstention est d’autant plus surprenante, — nous employons un terme très adouci, — que le pape Pie X, contre lequel nous nous étions forgé des griefs plus ou moins imaginaires, ayant disparu de la scène du monde, y a été remplacé par un pontife dont les sympathies pour la France sont notoires, et qui a nommé successivement à la secrétairerie d’État les deux membres du Sacré Collège qui étaient les plus enclins à pratiquer envers elle une politique conciliante. Le malheur est qu’on ne peut pas faire de la conciliation à soi tout seul : il faut être deux pour cela.

C’est à peine cependant si quelques demi-gestes hésitans et timides ont indiqué de notre part des velléités nouvelles. Vaille que vaille, indiquons-les. Après la mort du pape Pie X, un service religieux a eu lieu à Notre-Dame de Paris : M. le président de la République s’y est fait représenter. Depuis, le pape Benoit XV lui a notifié son élection par une lettre personnelle : M. le Président de la République lui a répondu. Enfin, ces derniers jours, le Pape a pris une initiative qui lui fait grand honneur : dans son désir de rendre moins dures les rigueurs de la guerre pour les blessés et pour leurs familles, il a proposé aux puissances belligérantes de procéder à l’échange des prisonniers que leurs blessures rendent désormais impropres à porter les armes. Tout le monde y a consenti. L’Empereur de Russie et le roi d’Angleterre ont écrit à ce sujet au Saint-Père des lettres pleines de déférence et de respect. Il en a été de même des Empereurs d’Allemagne et d’Autriche. Les radicaux-socialistes ne pourront pas reprocher à M. le Président de la République d’avoir mis un empressement excessif à suivre leur exemple ; on a même pu se demander s’il le ferait, car il a pris le temps de la réflexion ; il l’a fait pourtant, et même il n’est pas arrivé le dernier : le Sultan est venu après lui. Notre gouvernement n’ignore donc plus le Pape, et c’est un progrès,