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L’ITALIA IRREDENTA


I

L’unité de l’Italie, telle qu’elle est sortie, après une longue préparation, des quatre étapes qui, en moins d’une douzaine d’années, lui ont apporté la Lombardie, l’Italie du Centre et du Sud, la Vénétie, enfin Rome, a cependant laissé hors des frontières du jeune royaume certains territoires considérés comme italiens ; c’est « l’Italie qui n’est pas encore rachetée. » Aussi, ces temps derniers, lorsque l’on a discuté, dans les chancelleries ou dans la presse, l’hypothèse d’une intervention de l’Italie dans la guerre actuelle, a-t-on fréquemment envisagé comme un des motifs possibles de son intervention la délivrance des 750 000 Italiens sujets de l’Autriche, et, comme prix d’une victoire, les provinces de l’Istrie et du Trentin.

L’Italie est une trop grande puissance, les Italiens sont des diplomates trop avisés pour avoir besoin de conseils. Il appartient à eux seuls de peser les risques et d’examiner les avantages de l’attitude qu’ils croiront devoir observer dans la crise que l’Europe traverse. Mais peut-être le lecteur français prendra-t-il quelque intérêt à jeter un coup d’œil, à titre purement objectif, sur cette Italia irredenta dont il entend si souvent parler.

S’il pouvait, au lieu de la regarder par métaphore, parcourir cette région à pied et le bâton à la main, il y découvrirait quelques-uns des plus admirables spectacles de la nature. Au voyageur qui, sortant des neiges de l’Ortler, descend la route du Stelvio et se rend, par Méran et Botzen, au pays des Dolomites, de grandes joies sont réservées. Parmi des prairies pleines de fleurs, au-dessus des sapins et des mélèzes, se dressent brusquement d’énormes chaînes de rochers aux couleurs d’ocre et de