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L’ÉTERNELLE ALLEMAGNE.

l’emportèrent, durant Les huit ou dix siècles du Moyen Age. Par une revanche du droit romain, de la loi écrite et de ses légistes, ce fut ensuite la souveraineté de l’État qui reparut, personnifiée en des monarchies absolues, jusqu’au jour où se dressa, triomphante résurrection de l’Imperator romanus, le divin César corse dont la France jacobine érigea, ou peu s’en faut, les statues sur ses autels. Puis, le dieu jeté bas, les nations germano-latines de l’Occident empruntèrent à la plus germanisée d’entre elles, ; à l’Angleterre, cette conciliation expérimentale et quotidienne de la souveraineté nationale et de la liberté individuelle, qui s’appelle le régime parlementaire.

Depuis un siècle, les unes après les autres, toutes les nations germano-latines, qui vivent sur les terres de l’ancien Empire d’Occident, ont adopté cette solution, et toutes les nations slavo-grecques, issues de la res publica ou de l’Église byzantines, ont suivi ou commencent à suivre cet exemple ; les unes et les autres s’efforcent de plier à ce régime anglais leurs traditions et leurs préférences, — en attendant peut-être qu’entre le socialisme d’État et la rébellion anarchiste, qu’il entraînerait tout aussitôt, recommence la lutte de la res publica romaine et des « libertés » germaniques… Mais, en dehors du Seuil romain, dans les forêts d’outre-Rhin où n’avait pénétré ni la route, ni la vigne, ni la paix de Rome, restait l’homme des bois. Il conservait jusqu’à nous son humeur première et ses coutumes. C’est en vain qu’il était entré dans la communion de l’Église et même dans la dignité d’Empereur d’Occident, en vain que, depuis onze siècles, il revendiquait pour ses chefs de guerre le titre impérial et se posait en continuateur de Charlemagne, d’Auguste et des Romains : il continuait de mettre sa vanité et son devoir héréditaire à transmettre aux générations les pensées et les mœurs des aïeux ; la Germanie de Tacite, fidèle portrait de la sauvagerie forestière, était le miroir politique où les Allemands d’hier encore se complaisaient à se retrouver.

« Certainement, notre peuple aussi, dit M. de Bülow, est capable à un haut degré de mouvemens nationaux d’ordre général, puissans et raisonnés. La conscience nationale, la passion nationale et l’abnégation nationale ne nous ont, Dieu merci, jamais complètement fait défaut. Mais en opposition