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LA GUERRE VUE D’UNE AMBULANCE

III [1]


27 octobre.

Nous avons reçu cette nuit trois blessés de Dixmude, qui ont quitté le train sanitaire à Juvisy. La guerre change encore d’aspect. Plus meurtrière que jamais, elle offre, du moins, l’avantage de reparaître au grand jour. On se tue dans les champs, le long des rivières et des canaux, sur les bords de la mer ; on se tue aussi dans les villes et les villages, pris, repris, saccagés, détruits de fond en comble. J’allais dire que cela nous change de la guerre de tranchées ; mais, au fait, celle-ci n’en continue pas moins sur tout le reste de l’immense front.

Voici un marin de Cherbourg (et cela met bien en évidence le déracinement de toutes choses), voici un marin de Cherbourg, qui, avant de se battre près de Dixmude, se trouvait à Gand et, quelques jours plus tôt, à Reims. Il fut versé dans l’armée de terre au milieu d’août, librement, d’ailleurs, et en volontaire, comme tout son bataillon. Il a été blessé il y a trois jours, le 24, à deux heures, d’une balle qui lui a brisé l’os du bras. Le choc le fit tomber dans un ruisseau, heureusement peu profond, où il resta d’abord quelques heures. Les projectiles y pleuvaient dru. Il s’appliqua, malgré la blessure, à détacher son sac. Ce fut long et douloureux ; mais il y parvint, et il s’en

  1. Voyez la Revue des 15 octobre et 1er novembre 1914.