Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas de saisir le Dacia en mer, qu’elle achèterait un bon prix la cargaison pour désintéresser son propriétaire, et qu’elle soumettrait sa capture au tribunal des prises pour faire dire le droit. L’affaire a fait déjà couler beaucoup d’encre et le Dacia n’a pas, à notre connaissance, encore quitté le port américain. Il faut bien avouer que le cas ne serait pas le même si les navires allemands, au lieu d’être achetés par un particulier, l’étaient par le gouvernement américain : la même suspicion ne planerait pas sur la vente, mais d’autres objections se présenteraient. Elles ont été soutenues devant le Sénat américain par plusieurs orateurs, dont les vigoureux argumens ont fait impression sur l’Assemblée, au point que quelques démocrates, partisans du gouvernement actuel, se sont détachés de la majorité pour s’allier aux républicains sur cette question spéciale. Le renvoi du bill à la Commission a été demandé ; l’incertitude de plus en plus grande que le Memorandum allemand fait planer sur le commerce neutre a donné à réfléchir ; des amendemens ont été proposés, un entre autres qui a trouvé faveur auprès de M. Wilson et qui exclut toute vente de nature à créer des difficultés internationales. Cette attitude finale du gouvernement a provoqué dans le parti allemand une indignation qui montre à quel point il se préoccupe peu des difficultés avec lesquelles le gouvernement américain pourrait se trouver aux prises. Qui sait même s’il ne les provoque pas à plaisir ? Quoi qu’il en soit, les chances du bill ont sensiblement diminué et nous ne le regrettons pas. En temps de guerre, les navires des belligérans doivent garder leur nationalité, à moins qu’on ne puisse prouver que leur vente était chose convenue avant les hostilités, ou qu’elle aurait eu lieu quand même celles-ci n’auraient pas éclaté. Mais c’est une preuve qui est le plus souvent difficile à faire.

Les dissentimens qui ont pu se produire sur quelques points particuliers ne portent pas atteinte à la confiance que mérite le gouvernement américain pour la correction générale de son attitude. Il a l’intention très loyale de remplir toutes les obligations de sa neutralité et il les a en effet strictement remplies. C’est bien, d’ailleurs, ce qu’on lui reproche à Berlin. Au gré de l’Allemagne, il ne devrait pas y avoir d’États neutres dans le monde et elle dirait volontiers que ceux qui ne sont pas avec elle sont contre elle. Soit : si elle les oblige à opter, ce n’est probablement pas nous qui aurons à en souffrir.

Il faut toujours revenir au vieux, continent européen, parce que